Mercredi dernier, à l'occasion de la réunion hebdomadaire du Collectif Enfants Etrangers Citoyens Solidaires, une famille bien connue de notre collectif s'est présentée pour nous alerter sur la situation d'une jeune maman et de son petit garçon de 6 mois, qu'elle venait de recueillir. Mère et enfant se sentaient traqués et angoissés par l'hypothèse d'une reconduite en Hollande, pays que la maman venait de fuir pour échapper au réseau de prostitution qui, là-bas, l'avait réduite en esclavage.
Dans un état de santé visiblement très préoccupant, la mère et l'enfant ont quitté la réunion accompagnés par des membres du collectif qui ont pu confirmer les gros problèmes de santé d'une mère et d'un enfant visiblement dénutris et traumatisés. Vendredi, une rencontre était programmée avec la permanence femmes du Gasprom.
Hélas, la maman et son enfant n'auront pas eu le temps de s'y rendre. Leurs craintes étaient fondées ... Ils ont été expulsés dans la nuit de jeudi à vendredi vers les Pays-Bas, dans le cadre du dispositif Dublin II.
Je laisse la parole à la maman qui, quelques jours durant, a accueilli chez elle le petit garçon et sa mère :
Le reste se passe de tout commentaire !!! Une fois de plus un profond sentiment d'écoeurement, et en résonance quelques vers de Primo Levi qui, dans la préface à "Se questo è un uomo", s'interroge sur l'humanité refusée à une femme dont l'aspect est celui d'une 'grenouille en hiver" ... Et la suite coule de source :
Vous qui vivez en toute quiétude
Bien au chaud dans vos maisons,
Vous qui trouvez le soir en rentrant
La table mise des visages amis,
Considérez si (...) c'est une femmeQue celle qui a perdu son nom et ses cheveux,
Et jusqu'à la force de se souvenir,
Les yeux vides et le sein froid
Comme une grenouille en hiver.
N'oubliez pas que cela fut,
Non, ne l'oubliez pas:
Gravez ces mots dans votre coeur.
Pensez-y chez vous, dans la rue,
En vous couchant, en vous levant;
Répétez-les à vos enfants.
Ou que votre maison s'écroule,
Que la maladie vous accable,
Que vos enfants se détournent de vous.
Si c'est un homme - préface de PRIMO LEVI