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Nul n'est censé ignorer la loi

  • La rue elle ne le fera pas plier, mais le droit...

     

    Grâce à la primauté de la Constitution sur la loi !

     

    Affaire en instance au Conseil Constitutionnel

    Affaire 2007 - 557 DC : Loi relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile

    Signé par les députés PS, GDR (Gauche démocratique et républicaine) et par le président du MoDem, François Bayrou, le recours au Conseil constitutionnel a été déposé contre l'ensemble du projet de loi sur l’immigration et demande la censure des articles 13, qui autorise les tests AND dans le cadre du regroupement familial, et l’article 63, qui introduit les statistiques ethniques.

     

    En attendant, la décision du Conseil Constitutionnel, rien de plus urgent que la lecture de :

    Danièle Lochak, « Face aux migrants : état de droit ou état de siège ? », éditions Textuel, octobre 2007, 112 p., 17 €.

     

    Un long extrait est généreusement offert sur le site de la LDH de Toulon et sur le site du RESF


    Il mérite d’être connu de toutes celles et tous ceux qui devant la menace seraient tentés de fléchir alors qu’ils se sentent dans le juste. Il a le mérite de laisser entrevoir que le droit peut  venir en renfort de la rue  (ou à la rue) !


    • Aujourd’hui, qu’y a-t-il dans la législation qui se rapproche d’une sollicitation du citoyen comme auxiliaire de police ?

    La dénonciation est une pratique qui est admise et officiellement reconnue en droit pénal, elle est même obligatoire en ce qui concerne certains crimes ou délits – la maltraitance des mineurs, par exemple. Mais il n’y a pas de disposition spécifique, dans la législation, qui oblige les simples citoyens à dénoncer les étrangers en situation irrégulière. En revanche, le code de procédure pénale prévoit que tout agent public qui, dans l’exercice de ses fonctions, a connaissance d’un délit doit le dénoncer au procureur de la République. Et dès lors que le séjour irrégulier est effectivement un délit, on voit des maires ou des fonctionnaires invoquer cette disposition pour, spontanément ou sur incitation de leur hiérarchie, dénoncer les étrangers sans papiers. Nombreux sont les maires qui avertissent immédiatement la préfecture s’ils constatent que l’un des membres du couple qu’ils doivent marier n’est pas en règle. La loi Sarkozy de 2003 a tenté de donner une base légale à cette pratique : les maires se seraient vu reconnaître le droit de vérifier la situation des futurs conjoints étrangers – ce qu’ils n’ont pas à faire sur la base des textes existants – et, en l’absence de document de séjour valable, ils auraient dû saisir le parquet ainsi que le préfet. Le Conseil constitutionnel a invalidé cette disposition, estimant qu’elle portait une atteinte excessive à la liberté de se marier. Mais, même illégale, la pratique n’a pas cessé.

    De même, dans certaines communes, les services chargés des inscriptions scolaires contrôlent le titre de séjour des parents – de façon là encore illégale, puisque les enfants doivent être scolarisés quelle que soit la situation des parents – et si, ceux-ci sont en situation irrégulière, il arrive qu’ils soient signalés au parquet. Les chefs d’établissement et les travailleurs sociaux, de leur côté, sont soumis à des pressions de plus en plus fortes de leur hiérarchie, qui leur demande d’informer les autorités des situations d’irrégularité de séjour dont ils ont connaissance.

    Je pense pour ma part que cette interprétation de l’article du code de procédure pénale dont j’ai parlé est contestable. Le devoir de révélation concerne, dit le texte, les faits dont l’agent public a eu connaissance « dans l’exercice de ses fonctions » ; or, si les policiers, dans le cadre d’un contrôle d’identité, ou le personnel des préfectures ont dans leurs attributions de vérifier la régularité du séjour des étrangers, les autres agents et fonctionnaires n’ont pas à demander la production d’un titre de séjour à ceux qui s’adressent à eux : ni le maire pour procéder à un mariage, on l’a dit, encore moins le personnel de l’Éducation nationale ou les travailleurs sociaux, d’autant que l’accès aux services en question n’est pas réservé aux étrangers en situation régulière. Par conséquent, s’ils ont connaissance de l’irrégularité du séjour, c’est soit parce que la personne le leur a spontanément déclaré, soit parce qu’ils ont exigé la production d’un document qu’ils n’avaient pas à demander. Les obliger à révéler cette information revient à les encourager à outrepasser la mission qui leur est dévolue. Dans le cas des travailleurs sociaux, le devoir de révélation entre de plus directement en conflit avec le secret professionnel auquel ils sont astreints.

    • Et les simples citoyens ?

    Je l’ai dit, il n’existe en ce qui les concerne aucune obligation de dénoncer. Mais les autorités jouent sur la crainte de la répression pour inciter les citoyens à prendre leurs distances vis-à-vis des « clandestins » et les dissuader de leur apporter un soutien quelconque. On a décrété la mobilisation générale contre « l’immigration clandestine » et chacun est sommé d’y apporter son concours. Qui refuse de collaborer ou, a fortiori, tente d’entraver la mécanique de la répression se voit menacer de sanctions. Au coeur du dispositif d’intimidation, on trouve le texte qui réprime l’aide à l’entrée et au séjour irréguliers des étrangers en France. Cette disposition, à vrai dire, existe depuis très longtemps. Mais on l’avait toujours interprétée comme visant les passeurs, les employeurs ou les marchands de sommeil qui organisent de véritables filières d’immigration illégale et cherchent à exploiter les étrangers en profitant de leur vulnérabilité. Au début des années 1990, toutefois, ce texte a commencé à être invoqué comme fondement à des poursuites contre des personnes privées ou des associations venant en aide aux étrangers sans papiers. On a pensé au départ qu’il s’agissait de simples manoeuvres d’intimidation. Mais, peu à peu, ces poursuites ont débouché sur des condamnations. Et lorsque la Cour de cassation a tranché en disant que le délit était constitué même si l’aide était apportée à titre amical et purement désintéressé, les défenseurs des libertés ont essuyé une première défaite. La seconde a résulté de la prise de position du Conseil constitutionnel, à l’occasion du vote de la loi de 1996 contre le terrorisme. Le gouvernement souhaitait que l’aide au séjour irrégulier soit répertoriée parmi les infractions à visée potentiellement terroriste. Pour venir à bout des réticences du Sénat, le gouvernement a fait inscrire dans le texte, en guise de compensation, certaines immunités au profit des membres de la famille : autrement dit, l’aide au séjour irrégulier ne serait pas sanctionnée lorsqu’elle est le fait d’un proche. Le Conseil constitutionnel a certes invalidé l’inscription de l’aide au séjour irrégulier dans la liste des délits terroristes, mais il a en revanche admis la pertinence de la liste des immunités, critiquée comme trop restrictive par les parlementaires socialistes. Mais ce qu’on n’a pas assez réalisé, à l’époque, c’est qu’accepter de discuter sur l’étendue des immunités, c’était reconnaître ipso facto que ceux qui apportent une aide désintéressée sans figurer sur cette liste peuvent être poursuivis et punis. Par la suite, la liste des bénéficiaires de l’immunité a été allongée, mais les sanctions ont aussi été aggravées.

    • Aider des sans-papiers devenait un délit d’aide au séjour irrégulier…

    Absolument. C’est ainsi, en tout cas, qu’on présente les choses. Mais, en y réfléchissant, elles ne sont pas aussi simples. Donner à manger à un étranger sans papiers, l’héberger, lui donner de l’argent, c’est assurément l’aider. Mais doit-on assimiler l’aide à ce sans-papiers à une aide au séjour irrégulier ? En 2003, pour dénoncer le renforcement de la répression annoncée par la loi Sarkozy, plusieurs associations et personnalités ont lancé un « Manifeste des délinquants de la solidarité » qui se concluait ainsi : « Nous déclarons avoir aidé des étrangers en situation irrégulière. Nous déclarons avoir la ferme volonté de continuer à le faire (…) Si la solidarité est un délit, je demande à être poursuivi(e) pour ce délit. » « Délinquant de la solidarité » : politiquement et médiatiquement, l’expression fait mouche. Mais, en même temps, elle semble tenir pour acquis que venir en aide à un sans-papiers est un délit. Or je pense – ici, c’est la juriste qui parle – qu’il ne faut pas se résigner sur ce point, qu’il ne faut pas concéder qu’en aidant un sans-papiers on commet ipso facto le délit d’aide au séjour irrégulier. C’est différent, bien sûr, si vous cachez des gens qui sont recherchés par la police. Avant de se revendiquer de l’objection de conscience et de la désobéissance civile, il vaut mieux d’abord continuer à se battre sur le plan du droit, continuer à contester l’équation « aide à un sans-papiers = aide au séjour irrégulier ». D’autant que le flou de la loi sert finalement les intentions du pouvoir : accueillir chez soi, nourrir, prêter de l’argent, renseigner… Personne ne sait très bien où commence et où s’arrête le délit d’aide au séjour irrégulier. L’essentiel, c’est que la menace plane et qu’elle soit d’autant plus crédible que les poursuites se multiplient et que les condamnations tombent.

    Aujourd’hui, les autorités ont trouvé encore d’autres instruments d’intimidation : l’inculpation pour rébellion ou « entrave à la circulation d’un aéronef » des passagers qui refusent de voyager à côté de gens menottés, parfois scotchés et drogués, encadrés par des policiers, ou le fichage de ceux qui hébergent des visiteurs étrangers ou qui rendent visite aux étrangers placés en rétention – histoire là encore de faire comprendre à toute personne qui entretient des liens avec des étrangers qu’elle est considérée comme suspecte. On peut aussi rappeler le placement en garde à vue, en mars 2007, d’une directrice d’école qui s’était interposée pour protéger les enfants et leurs parents contre les assauts de la police ; n’est-ce pas un avertissement à tous les chefs d’établissement qui seraient tentés de faire prévaloir leur mission éducative sur le rôle policier qu’on veut leur faire endosser ?

    Danièle Lochak

    P.-S.

    Danièle Lochak, « Face aux migrants : état de droit ou état de siège ? », éditions Textuel, octobre 2007, 112 p., 17 €.

    Au sommaire

    • Préface
    • La spirale répressive
    • L’accoutumance aux dérives de l’Etat de droit
    • Penser autrement les frontières
    • Bibliographie de l’auteur

    Le quatrième de couverture

    Pour tenter de stopper une immigration jugée menaçante, les États européens se sont engagés dans une spirale répressive sans fin. Tracasseries administratives, contrôles policiers, enfermement sont le lot commun des étrangers. Cette politique débouche sur des pratiques indignes pour une société démocratique et menace désormais aussi la vie des migrants. Elle est moralement inacceptable mais également inefficace, nous dit Danièle Lochak. Elle plaide pour une autre politique qui prenne acte du caractère inéluctable des migrations et ne réserve plus la liberté de circulation aux habitants des pays nantis.

    L’auteur

    Danièle Lochak est professeur de droit à l’Université Paris X Nanterre, vice-présidente de la LDH et membre du Gisti (Groupe d’Information et de Soutien des Immigrés) dont elle fut la présidente de 1985 à 2000.

    Elle est l’auteur de Étrangers, de quel droit ?, PUF, 1985, La justice administrative, Montchrestien, 1998, Les droits de l’homme, La Découverte, 2005, La liberté sexuelle (co-dir. avec D. Borrillo), PUF, 2005.

  • Vote du projet de loi relatif à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile

     

    Assemblée nationale
    XIIIe législature
    Session ordinaire de 2007-2008

    Deuxième séance du mardi 23 octobre 2007

    Maîtrise de l’immigration, intégration et asile

    Explications de vote et vote
    sur le texte de la commission mixte paritaire

    M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur le texte de la commission mixte paritaire du projet de loi relatif à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile.

    La parole est à M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement.

    M. Brice Hortefeux,ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Monsieur le président, monsieur le rapporteur Thierry Mariani, …

    M. Jean-Pierre Balligand. Le nouveau penseur !

    M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. …mesdames et messieurs les députés, quatre semaines après vous avoir soumis, au nom du Gouvernement, le projet de loi relatif à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile – sur lequel je me suis exprimé ce matin encore –, je constate à quel point ce texte a pu être, en si peu de temps, commenté, débattu, mais aussi largement enrichi. C’est tout à l’honneur du Parlement d’avoir été à l’origine d’échanges aussi constructifs et fructueux. Notre démocratie s’en trouve ainsi renforcée.

    Après quarante-cinq heures de débat parlementaire, ce projet de loi parvient à son point d’orgue. La commission mixte paritaire a adopté, la semaine dernière, un texte équilibré, qui fait l’objet de l’accord et du soutien sans réserve du Gouvernement. Je voudrais en remercier tout particulièrement le président de la commission des lois de l’Assemblée, Jean-Luc Warsmann, celui de la commission des lois du Sénat, Jean-Jacques Hyest, ainsi que les rapporteurs des deux chambres, Thierry Mariani et François-Noël Buffet.

    Je tiens également à saluer la contribution aux débats des deux porte-parole socialistes de cette assemblée, George Pau-Langevin et Serge Blisko, mais aussi celles de Patrick Braouezec et de Noël Mamère, et plus généralement de toute l’opposition. Assurément, nous avons eu des désaccords, mais ils ne nous ont jamais empêchés de maintenir un dialogue républicain et constructif. La démocratie, j’en suis convaincu, en sort gagnante.

    Le moment est donc venu de soumettre ce projet de loi au vote solennel de chacune des deux assemblées.

    Plus qu’un aboutissement, ce vote constitue une étape vers une meilleure maîtrise de l’immigration. La nouvelle loi permettra en effet de répondre à la double ambition du Président de la République et du Gouvernement : être plus ferme à l’égard des immigrés qui ne respectent pas les lois de la République et, dans le même temps, mieux protéger ceux qui respectent nos règles et nos valeurs. C’est ainsi que nous favoriserons l’intégration des immigrés légaux et que nous préserverons la cohésion de notre communauté nationale.

    Cette vision constitue une rupture avec la politique d’immigration que la France a menée pendant plus de trente ans. Cette rupture consiste à tenir les engagements du Président de la République en faveur d’une politique de l’immigration juste, cohérente et équilibrée.

    Elle consiste aussi, pour le Gouvernement, à faire vivre le débat parlementaire, à écouter et respecter le Parlement, et à rechercher avec lui toutes les garanties nécessaires afin d’aboutir à l’équilibre auquel nous sommes parvenus.

    J’observe que les 18 articles du projet de loi que j’ai soumis au Parlement ont tous été adoptés – avec des améliorations, mais sans être dénaturés : c’est, je le répète, la traduction des engagements pris.

    Première réforme : nous nous donnons les moyens de mieux encadrer le regroupement familial. Désormais, les personnes souhaitant rejoindre la France dans le cadre du regroupement familial, tout comme les conjoints étrangers de Français, seront soumis, dans leurs pays de résidence, à une évaluation de leur degré de connaissance de la langue française et des valeurs de la République.

    Cette réforme est le fruit d’une conviction : la langue est le meilleur vecteur d’intégration. Elle est la clef de l’accès à l’emploi, au logement, aux services publics et à une vie normale au sein du pays d’accueil. Il ne faut pas attendre l’arrivée en France pour s’initier à la langue française.

    Cette mesure est attendue par nos compatriotes : selon une enquête d’opinion publiée le mois dernier, 74 % des Français l’approuvent. Demander aux candidats à l’immigration familiale de passer un test de français et d’apprendre notre langue, c’est à la fois combattre le communautarisme et récompenser les efforts des étrangers qui souhaitent s’intégrer.

    De même, l’étranger souhaitant faire venir sa famille en France devra prouver qu’il dispose de revenus adaptés à la taille de sa famille. Votre rapporteur l’a rappelé ce matin : il s’agit là d’une question de bon sens.

    Enfin, nous renforçons le parcours d’intégration grâce à la création d’un « contrat d’accueil et d’intégration pour la famille ». En signant ce contrat avec l’État, les parents des enfants ayant bénéficié du regroupement familial recevront une formation sur les droits et devoirs des parents en France. Ils s’engageront notamment à respecter l’obligation d’instruction, renforçant ainsi les chances de leurs enfants de réussir leur intégration dans notre pays.

    Deuxième réforme : nous confortons les procédures d’examen des demandes d’asile, en honorant notre tradition d’accueil des réfugiés politiques.

    J’ai rappelé ce matin la formule du préambule de la Constitution de 1946 qui témoigne de l’attachement ancien, et jamais démenti, de notre République pour le droit d’asile. Cette tradition, nous la respectons, puisque 124 000 personnes bénéficient aujourd’hui, en France, du statut de réfugié politique.

    La question de l’asile et celle de l’immigration sont distinctes et doivent le rester – j’espère que, sur ce point au moins, M. Blisko est désormais rassuré. Garanti par la convention de Genève, l’asile a sa finalité propre, qui doit être de protéger les personnes qui ne le sont plus par leur propre État. L’asile n’est pas et ne sera pas une variable d’ajustement de la politique d’immigration.

    C’est dans cet esprit que le projet de loi tient compte de la nouvelle organisation gouvernementale, en me confiant la tutelle de l’OFPRA. Ce n’est pas moi qui, demain, déciderai si tel ou tel étranger doit être reconnu comme réfugié.

    Mme Laurence Dumont. Heureusement !

    M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. L’OFPRA restera souverain dans ses décisions sur les cas individuels, sous le contrôle de la Commission de recours des réfugiés. Le débat parlementaire a permis – et je m’en réjouis – de renforcer l’indépendance de cette juridiction, qui devient la Cour nationale du droit d’asile, et d’améliorer l’intégration des réfugiés politiques.

    Au-delà des dix-huit articles qui vous avaient été soumis, le Parlement a souhaité enrichir le projet de loi par un travail d’une grande qualité, pour le compléter tout en respectant sa cohérence.

    Mme Laurence Dumont. C’est un texte scandaleux !

    M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Le texte initial a été étoffé et comprend désormais 65 articles. Sans doute ne le savez-vous pas, madame Dumont, car vous n’étiez pas là, mais 460 amendements ont été discutés, et 150 adoptés, sans préjuger de leur origine partisane. Venues de tous les bancs, certaines idées ont entraîné l’adhésion. Ainsi, 41 amendements ont été adoptés à l’initiative de l’UMP, 5 du Nouveau Centre, 15 des socialistes, 4 des Verts et 2 des communistes. J’ajoute que 34 amendements ont été adoptés à l’unanimité.

    Je reviendrai d’ailleurs sur quatre amendements importants que je vous rappelle pour mémoire, sans pour autant les détailler.

    Le premier amendement crée le livret épargne-codéveloppement qui manifeste l’engagement du Parlement en faveur du codéveloppement. Ce produit financier est ouvert à tous les immigrés séjournant régulièrement en France et leur permet de verser leur épargne sur un livret ouvrant droit à une prime versée par l’État.

    Le deuxième généralise le bilan de compétences pour tous les étrangers s’installant en France, ce qui répond à votre désir d’améliorer l’intégration par le travail. Il est vrai que nous nous efforçons de rééquilibrer les flux migratoires en augmentant la part de l’immigration de travail. Il est donc logique que, dans le même temps, les immigrés s’installant en France – y compris les migrants familiaux – bénéficient d’un bilan de compétences pour les orienter vers le marché du travail.

    Dans un troisième amendement, vous avez marqué votre refus absolu des régularisations massives, en confirmant que les régularisations doivent conserver un caractère tout à fait exceptionnel. C’est dans ce cadre que vous avez souhaité, à juste titre, donner aux préfets la possibilité de tenir compte, au cas par cas, de la capacité d’intégration par le travail. Il ne s’agit naturellement pas de régulariser tous les travailleurs clandestins, mais d’admettre au séjour, à titre exceptionnel, les étrangers en situation irrégulière dont la compétence professionnelle est tout particulièrement recherchée. Je sais que cette initiative répond tout particulièrement au vœu de Pierre Méhaignerie.

    Enfin, comme je vous l’ai proposé, vous avez souhaité créer une carte de résident permanent, d’une durée illimitée, pour faciliter la vie des étrangers parfaitement intégrés qui séjournent depuis très longtemps en France.

    Je salue enfin quelques députés qui ont apporté au texte une contribution très utile. Éric Ciotti a proposé la création d’un fichier biométrique pour les bénéficiaires de l’aide au retour volontaire. Nicolas Perruchot a favorisé l’immigration de travail, notamment en supprimant l’interdiction faite aux entreprises de travail temporaire de recruter des intérimaires étrangers. Étienne Pinte, Chantal Brunel et Alain Joyandet ont déposé des amendements tendant à protéger les étrangers victimes de violences conjugales. Frédéric Lefebvre a présenté deux amendements importants qui ont d’ailleurs – je tiens à le souligner – été adoptés à l’unanimité : l’un créant le livret épargne-codéveloppement et l’autre permettant, de manière exceptionnelle, l’admission au séjour par le travail. Enfin Sébastien Huyghe et Michèle Tabarot, à partir de leur expérience de membres de la CNIL, ont plaidé avec succès pour la mise en place très encadrée des statistiques de la diversité.

    J’en viens, pour conclure, à l’amendement qui a suscité les débats les plus denses : je veux bien sûr parler de la possibilité, dans le cadre du regroupement familial, d’apporter une preuve de filiation au moyen d’un test ADN.

    Mme Laurence Dumont. C’est honteux !

    M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Nous savons tous combien cet amendement, proposé par le rapporteur de l’Assemblée nationale, Thierry Mariani, a suscité de débats. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

    M. Jérôme Cahuzac. Quel courage !

    M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Chacun dans l’hémicycle – et, bien au-delà, dans les médias – a pu s’exprimer en son âme et conscience autant qu’il le souhaitait. Bien sûr, je le redis, il y a eu des caricatures. Bien sûr, il y a eu des excès.

    M. Patrick Roy. Le principal excès, c’est celui qu’a commis le Gouvernement !

    M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Bien sûr, il y a eu des faux procès. Bien sûr, la tactique politique s’est parfois confondue avec les désaccords de principe. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Bien sûr, les postures ont parfois révélé des impostures. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Ce sont là, sans doute, les règles du jeu démocratique. Mais l’important est ailleurs. Entourée des garanties nécessaires au respect de la vie privée, la procédure des tests ADN donnera aux étrangers de bonne foi un droit nouveau (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

    Mme Laurence Dumont. Vous osez le dire ? Vous devriez avoir honte !

    M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. …qui leur permettra, s’ils le souhaitent, d’apporter un élément de preuve de leur filiation au soutien d’une demande de regroupement filial. Il s’agit de cela et il ne s’agit que de cela.

    Faut-il rappeler, une fois encore, les garanties entourant cette nouvelle procédure ? Ce dispositif ne sera pas obligatoire : il sera facultatif et uniquement fondé sur le volontariat.

    Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. C’est faux !

    M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Il ne sera pas général et permanent, mais, comme cela doit être le cas dans une démocratie moderne, expérimental et d’abord mis en œuvre dans les pays où l’état civil est déficient. Le Parlement en débattra à nouveau dans dix-huit mois, après l’entrée en vigueur du décret d’application, au vu du rapport d’évaluation qui lui sera remis par une commission de sages dont j’ai donné la composition lors de l’examen de ce texte en première lecture. Cette mesure ne constituera pas non plus un obstacle financier puisqu’elle sera gratuite. La procédure ne conduira naturellement à aucun « fichage génétique ». J’ajoute que seul un élément de preuve de la filiation avec la mère pourra être recherché au moyen de ce test et que cette limitation permettra notamment d’éviter la révélation publique d’un viol.

    Nous avons surtout souhaité que ce texte soit explicitement autorisé par le juge civil : l’autorité judiciaire décidera d’autoriser ou non l’identification du demandeur de visa par ses empreintes génétiques. Cela signifie très concrètement que la procédure dans son principe est similaire à celle de l’actuel article 16-11 du code civil, issu de la loi de 1994 – ce n’est pas si récent – relative à la bioéthique et qui dispose que l’identification d’une personne par ses empreintes génétiques peut être recherchée en exécution d’une mesure d’instruction ordonnée par le juge saisi d’une action tendant à l’établissement ou à la contestation d’un lien de filiation. En réalité, la seule différence est que, dans le cadre de l’instruction de la demande de regroupement familial, c’est un élément de preuve de la filiation – et non l’établissement de la filiation – qui sera recherché grâce au test ADN.

    Ainsi entouré de garanties claires, nettes et lisibles, le dispositif de ces tests pourra être mis en œuvre par la France à titre expérimental, aux côtés des douze pays européens qui le pratiquent déjà ou sont en passe de le mettre en œuvre : le Royaume-Uni, l’Espagne, l’Italie, l’Allemagne, la Belgique, le Danemark, les Pays-Bas, l’Autriche, la Finlande, la Lituanie, la Norvège et la Suède. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) Je me suis rendu la semaine dernière au Royaume-Uni, pays de l’habeas corpus, dirigé par un gouvernement travailliste. Lors d’une conférence de presse, et alors que j’indiquais que ce pays avait pratiqué 10 000 tests, le ministre travailliste en charge de cette question m’a repris et a précisé qu’il s’agissait de 12 000 tests et que cela n’avait posé aucun problème ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

    Le Haut commissaire des Nations unies pour les réfugiés a lui-même relevé, dans une note de mai dernier, que ces tests ADN étaient de plus en plus utilisés comme moyen de prouver les liens de parenté dans le cadre du regroupement familial.

    M. Jean-Paul Lecoq. Cela ne veut pas dire qu’il est d’accord !

    M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Pour le HCR, la possibilité de recourir à ces tests pour prouver la filiation répond ainsi à une évolution logique. C’est d’ailleurs aussi la position de la Commission européenne qui, le 4 octobre, il y a à peine quelques jours, a publiquement indiqué que ces tests étaient totalement compatibles avec le droit européen.

    Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, en concluant nos débats, je mesure la mission collective qui nous incombe. En décidant aujourd’hui de la politique d’immigration, nous dessinons la France de demain et d’après-demain. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) À la tête de ce ministère, je souhaite, au nom du Gouvernement et conformément aux engagements de Nicolas Sarkozy, contribuer à définir une politique d’immigration qui permette à la fois l’enrichissement et la préservation de notre communauté nationale.

    Parce qu’il est ferme et parce qu’il protège, le projet de loi qui vous est soumis va dans le bon sens : celui d’une France vigilante, fière d’elle-même, désireuse de préserver son équilibre, mais ouverte à l’autre, accueillante à celles et à ceux qui veulent la rejoindre pour s’y intégrer ; le sens d’une France diverse, mais unie, d’une France riche de son harmonie ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

    M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Noël Mamère pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

    M. Noël Mamère. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes appelés à un vote solennel et empreint d’une certaine gravité. En effet, lorsque les historiens se pencheront sur ce qui s’est passé ce mardi, ils constateront que nous avons écrit une très mauvaise page de l’histoire (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) et que nous avons manqué à la vocation de notre pays.

    En effet, avant d’être élu Président de la République, M. Sarkozy a été ministre de l’intérieur, il appartenait donc à une majorité qui siège toujours sur les bancs de cette assemblée. À quatre reprises, monsieur le ministre, vous avez transformé les immigrés en boucs émissaires (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) et vous êtes en train de rembourser la dette que vous aviez vis-à-vis de l’extrême droite, qui a permis au Président de la République d’être aujourd’hui à l’Élysée ! Il faut savoir dire ces choses ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – Vives protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

    À toutes ces lois ignobles, vous avez ajouté une disposition que l’on peut considérer comme scélérate. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Quelles que soient les explications que vous nous avez données et quels que soient les compromis honteux qui ont été passés au Sénat, ces tests ADN introduisent la peste biologique dans la loi. (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Ils sont contraires à l’avis du comité d’éthique, aux lois sur la bioéthique, aux droits fondamentaux et à la Constitution ! En fait, par cette nouvelle loi, qui sera sans doute votée par votre majorité, vous instituez la xénophobie d’État. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Vous stigmatisez une partie de la population, que vous excluez du contrat social ! (Mêmes mouvements.) Mais il ne faut pas s’y tromper, cette disposition, qui a retenu notre attention et suscité des débats, n’est en fait qu’un leurre pour mieux dissimuler un texte qui vise tout entier à casser purement et simplement la loi autorisant le regroupement familial votée sous le président Giscard d’Estaing.

    Vous avez porté un coup d’arrêt au regroupement familial. Vous grignotez le droit d’asile en plaçant l’OFPRA sous la responsabilité du ministère de l’immigration et de l’identité nationale. Vous pratiquez une sorte de dévoiement, qui prouve bien vos intentions : faire de l’étranger l’indésirable (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) et de l’immigré le profiteur qui n’aurait pas sa place et qui n’aurait pas le droit de vivre en famille, selon les principes de la Constitution et de la convention européenne des droits de l’homme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) En fait, ceux qui vous intéressent sont les immigrés célibataires, qualifiés, qui peuvent finalement servir de bonne main-d’œuvre, selon les besoins du patronat. Mais vous ne voulez pas et vous n’aimez pas les couleurs de cette nouvelle immigration, qui vient des pays que nous avons colonisés ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Je n’oublie pas que cette loi vient après des propos tenus par le Président de la République à Dakar, qui ont couvert de honte notre pays et qui ont provoqué chez les Africains une juste indignation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – Vives protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Je n’oublie pas que, sous la précédente législature, certains de vos collègues ont osé introduire un amendement affirmant que la colonisation avait été un bienfait pour la France ! Oui, cette loi que vous nous proposez aujourd’hui est directement inspirée par cet état d’esprit qui fait de l’immigré un bouc émissaire ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

    M. Christian Vanneste. Vous n’aimez pas la France ! Vous détestez votre pays, monsieur Mamère !

    M. Noël Mamère. Vous nous dites, monsieur le ministre, que vous avez voulu cette loi au nom des valeurs de la République, et c’est au nom de ces valeurs que vous demandez à ceux qui souhaitent le regroupement familial et qui vivent aux confins du continent africain de posséder la langue française. Alors je vous pose une question : si on avait demandé aux parents ou aux grands-parents du Président de la République, de M. Balladur, de Mme Amara ou de Mme Dati de parler le français, croyez-vous qu’ils auraient pu vivre dans ce pays (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire)

    M. Franck Gilard. Voyou !

    M. Noël Mamère. …et que leurs enfants et leurs petits-enfants seraient aujourd’hui membres du Gouvernement ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

    M. le président. Il faut conclure, monsieur Mamère ! Vous avez épuisé votre temps de parole.

    M. Noël Mamère. Je n’oublie pas que le Président de la République a demandé que soit lue dans les écoles, le 22 octobre, la lettre de Guy Môquet (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), ce résistant communiste qui a résisté aux côtés de la MOI, de Manouchian, qui ont été considérés comme des terroristes immigrés et assassinés en 1944 ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Leur a-t-on demandé de parler le français ? Leur a-t-on demandé leur origine biologique ? Ils sont morts pour la France, parce qu’ils croyaient en elle ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

    M. le président. La parole est à M. François Sauvadet, pour le groupe Nouveau Centre.

    M. François Sauvadet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le grand paradoxe du projet de loi sur la maîtrise de l’immigration, c’est que, comme on vient encore de le voir, il a suscité des débats vifs et passionnés, non pas pour lui-même, mais à cause d’un amendement. Certes, ce débat était bien légitime…

    Un député du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Ce n’était même pas un vrai débat !

    M. François Sauvadet. …puisqu’il renvoie à une question éthique. Il n’a d’ailleurs pas seulement été conduit par la gauche, mais s’est déroulé sur tous les bancs de l’hémicycle. Il concernait les conditions dans lesquelles on peut permettre à une famille, dans le cadre du regroupement, de prouver sa filiation en recourant à un test ADN. Nombre de députés – et pas seulement au groupe Nouveau Centre – considèrent que cet amendement a occulté le débat de fond et a été discuté dans des conditions indignes d’une démocratie moderne et apaisée, qui se doit de réfléchir non seulement à sa politique d’immigration, mais aussi et surtout à sa politique d’intégration, et c’est bien ce qui doit nous rassembler. Quand on a vu certaines images de désespérance, on se dit que le mot « intégration » doit prendre tout son sens dans un débat tel que celui que nous avons aujourd’hui. C’est l’accueil, la dignité des conditions dans lesquelles il a lieu qui sont en jeu.

    J’éprouve aujourd’hui un double regret. D’une part, je déplore que la proposition concernant les tests ADN n’ait pas été examinée pour ce qu’elle était, avec les garanties qu’elle comportait – notamment celle, très forte, de recours au juge. D’autre part, je regrette qu’on n’en ait pas profité pour aborder ce débat dans le cadre d’une harmonisation européenne. On a évoqué la situation de divers pays qui ont permis de résoudre des cas humains en recourant à ces tests et on aurait tort – je le dis à la gauche – de balayer d’un revers de main ce qui a pu se faire ailleurs : s’il est un domaine dans lequel nous devons travailler, c’est bien celui de l’harmonisation européenne des conditions d’accueil de ceux qui, pour des raisons qui peuvent tenir à la liberté, ont fait le choix de notre pays et le choix de l’Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

    M. Jean Glavany. Quelle duplicité, ce Sauvadet !

    M. François Sauvadet. Certains mots ont été prononcés, qui renvoyaient aux périodes les plus troubles de notre histoire. La clarté du débat gagnerait à la justesse du vocabulaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Les références au nazisme sont inadmissibles pour tous ceux qui se sont battus pour la liberté. Prétendre que le recours aux tests s’apparente à ce qui s’est passé dans des périodes lointaines de notre histoire, ce n’est pas servir un débat qui était utile pour l’avenir du pays. (Mêmes mouvements.)

    M. Jean Glavany. Ce n’est pas ce que vous nous dites dans les couloirs, hypocrite !

    M. François Sauvadet. Mais j’ai un autre regret, monsieur le ministre : le groupe Nouveau Centre et plusieurs collègues d’autres groupes auraient souhaité qu’on renvoie cette question au débat sur la bioéthique que nous devons avoir prochainement et à la préparation duquel certains de nos collègues – notamment Jean Leonetti – ont travaillé activement.

    Le texte que vous nous avez proposé est utile pour ceux qui vont bénéficier du regroupement familial avec le contrat d’accueil et d’intégration – car c’est bien le mot « intégration » que nous devons retenir. Il est utile pour accompagner les familles dans une installation durable, pour leur permettre de vivre ici dans des conditions de dignité, la dignité dépendant aussi des moyens de subsistance. Il est utile pour favoriser l’insertion dans la société, grâce à la maîtrise de la langue. Tous ces sujets sont très importants pour garantir la réussite du parcours des étrangers. Mais il s’agit surtout – je le dis comme le ressent le groupe Nouveau Centre – d’éviter la désespérance de tant de ceux qui sont venus ici en croyant y trouver un eldorado.

    Nous avons noté d’autres avancées : les dispositions concernant le droit des migrants, la garantie d’un recours effectif pour tous ceux qui, dans leur propre pays, souffrent d’entrave à leur liberté, le fait qu’un débat ouvert ait été engagé sur cette question.

    M. le président. Je vous remercie de bien vouloir conclure, monsieur Sauvadet. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

    M. Jean Glavany. Les contorsions, ça prend du temps !

    M. François Sauvadet. On critique souvent le Gouvernement, mais je dois dire que vous avez manifesté votre volonté, sinon de parvenir à un improbable consensus, du moins de laisser à chacun le soin d’exprimer sa position. Vous avez voulu tourner le dos à une immigration d’exclusion, pour aller vers une immigration d’intégration. Cet effort mérite d’être salué.

    Dans la mesure où nous traitons d’un sujet qui touche à l’éthique, chacun aura à se prononcer en conscience. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Pour ma part, à titre personnel et compte tenu de l’encadrement du recours au juge, pour permettre de débloquer des situations dramatiques, je voterai ce texte. Certains de mes collègues du groupe Nouveau Centre feront un choix différent, mais c’est la liberté de la conscience, celle qui doit s’imposer à chacun d’entre nous. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

    M. le président. Mes chers collègues, je vais faire annoncer dès à présent le scrutin public sur le vote de l’ensemble du projet de loi. (Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.)

    La parole est à M. Éric Ciotti, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

    M. Éric Ciotti. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat qui se conclut est important, capital, essentiel. Le texte que vous nous avez présenté, monsieur le ministre, est utile, pertinent,…

    Une députée du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Dangereux !

    M. Éric Ciotti. …efficace. C’est avec une grande gravité et une grande détermination que, au nom du groupe de l’UMP, je veux vous dire que nous l’approuverons. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Il correspond aux engagements de notre candidat pendant la campagne électorale…

    M. Maxime Gremetz et M. Jean-Paul Lecoq. Il n’a pas été question des tests ADN pendant la campagne !

    M. Éric Ciotti. …et aux vœux que les Français ont exprimés au printemps dernier, derrière le Président de la République, en faveur d’une politique nouvelle d’immigration choisie.

    Cependant, je veux m’adresser à l’opposition et lui dire qu’elle a incontestablement manqué une nouvelle fois une occasion de se projeter vers le futur (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) et d’envisager la gravité d’un problème qui doit largement dépasser les clivages. Qui peut nier, aujourd’hui, que l’immigration constitue pour la France, mais aussi pour l’Europe, un problème majeur, un problème présent, mais surtout un problème futur ? Qui peut nier que la pauvreté, qui ne cesse de se développer dans les pays du Sud ou sur le continent asiatique, risque d’entraîner une vague migratoire qu’il faudra naturellement mieux contrôler et mieux maîtriser ? (Mêmes mouvements.) Il faudra le faire conformément à notre tradition d’accueil et de générosité, dans le cadre des valeurs de la République qui nous unissent et nous rassemblent. Cette question doit mériter un consensus, devrait mériter un rapprochement, comme cela a été le cas dans tous les grands pays de l’Union européenne. Vous êtes, une fois de plus, la gauche la plus archaïque d’Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Vous vous arc-boutez sur des positions d’arrière-garde, vous instrumentalisez les étrangers, vous développez des thèmes qui sont injurieux à leur égard. (Exclamations prolongées sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

    M. Maxime Gremetz. C’est dégueulasse !

    M. Éric Ciotti. Les propos qu’a tenus tout à l’heure M. Mamère ont été insultants. Nous n’acceptons pas la caricature. Nous n’acceptons pas le mensonge. Nous n’acceptons pas l’outrance. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Monsieur Mamère, nous n’avons pas de leçons de valeurs républicaines à recevoir de vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Dois-je vous rappeler que, si l’extrême droite a prospéré dans notre pays, c’est grâce à vous et sous vos gouvernements ? (« À cause de vous ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Dois-je vous rappeler que, si l’extrême droite a régressé, c’est grâce au discours républicain du Président de la République ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

    Nous ne nous laisserons pas caricaturer. Vous auriez fait preuve de mesure en recherchant, comme Mme Pau-Langevin l’a laissé entrevoir ce matin, un dialogue ouvert, un échange respectueux. Il faut que les problèmes d’immigration ne soient plus l’objet de ces médiocres débats politiciens que vous entretenez depuis trop d’années. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

    En regrettant ces outrances,…

    Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Les vôtres !

    M. Éric Ciotti. …en regrettant ces propos, en regrettant ces mots, je veux vous dire que le texte que nous propose Brice Hortefeux est juste et équilibré. Monsieur le ministre, nous vous remercions d’abord de l’écoute, de l’attention et du respect que vous avez réservés au Parlement. C’est suffisamment rare pour être souligné. (Rires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Ce texte est juste et équilibré, parce qu’il repose sur trois piliers. Le premier est l’intégration. Il faut, en effet, favoriser l’intégration des étrangers : ne pas le faire, c’est développer la haine de l’étranger, le racisme, ce contre quoi, plus que d’autres, nous luttons. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. — Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

    M. le président. Merci de conclure, cher collègue.

    M. Éric Ciotti. Le deuxième pilier est le co-développement. Vous l’avez oublié, mais la résolution des problèmes d’immigration passera par le soutien au co-développement.

    Le dernier pilier est la lutte contre l’immigration clandestine. Il faudrait à cet égard que nous aboutissions à un consensus. Favoriser l’immigration clandestine, comme vous l’avez fait au cours des années où vous étiez au Gouvernement et comme vous l’avez fait dans ces débats, est le plus grand des maux que l’on puisse infliger aux étrangers dans notre pays. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

    M. le président. Quelle est votre conclusion, monsieur Ciotti ?

    M. Éric Ciotti. Pour toutes ces raisons, parce que ce texte est juste, équilibré, pertinent et efficace, le groupe de l’UMP, unanime, le votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations et huées sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

    M. Jean Glavany. Pour l’unanimité, on verra !

    M. le président. La parole est à M. Serge Blisko, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

    M. Serge Blisko. Monsieur le ministre, pour la quatrième fois en quatre ans, vous présentez un texte qui cède à la tentation électoraliste consistant à multiplier les effets d’annonce, comme autant de remerciements à la frange d’extrême droite de votre électorat. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

    Par ce texte, vous avez décidé de vous attaquer à l’immigration légale, aux personnes qui sont admises par la loi française sur notre territoire. Vous avez décidé de traiter l’immigration familiale comme une immigration malvenue, alors que le droit de vivre en famille est un droit fondamental inscrit dans la Constitution et dans la Convention européenne des droits de l’homme. Le regroupement familial ne concerne pourtant que 23 000 personnes par an et seulement 11 % des titres délivrés. Dans 68 % des cas, il ne concerne qu’une seule personne. Pourquoi tant de craintes ?

    Par ce projet de loi, vous avez décidé de faire une sélection économique des migrants. Vous exigez maintenant de ceux qui veulent faire venir leur famille en France qu’ils disposent de ressources supérieures au SMIC, alors même que nombre de familles françaises vivent avec moins d’un SMIC par mois sans que cela vous alarme outre mesure. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

    Vous avez également décidé de vous attaquer aux enfants (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), de leur faire passer le test du sang. Pour vous, tel enfant sera biologiquement acceptable et tel autre n’aura pas les bons gènes. On conçoit le malaise qui s’est exprimé dans toute la société française et au sein même de votre majorité, car, en France, la filiation n’a jamais relevé du sang, comme le montre la possession d’état. Pensons aussi aux enfants adoptés, légitimés, aux familles recomposées – il en est de célèbres. Toute recherche génétique, utile en matière scientifique, médicale ou pour la résolution d’affaires judiciaires, sera désormais, à cause de votre texte, entachée d’une connotation douteuse et xénophobe. La science ne peut pas être un instrument idéologique au service d’un clan extrémiste de l’UMP. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. – Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

    M. Richard Mallié. Nous ne sommes plus au xixe siècle ! Nous ne sommes pas chez Zola !

    M. Serge Blisko. Vous avez décidé de vous attaquer aux conjoints de Français. Au moment où le monde s’ouvre, où 1 million de Français vivent hors de notre pays, vous prônez le conservatisme, la peur de l’autre, la méfiance. Ce ne sont pas les valeurs de la France républicaine.

    Vous avez décidé d’entretenir la confusion entre asile et immigration. La France a signé la Convention de Genève de 1951 et a toujours été reconnue internationalement comme un pays d’accueil pour les réfugiés politiques. En transférant l’OFPRA, chargé d’attribuer le statut de réfugié, au ministère de l’immigration, vous privez l’OFPRA de sa source première d’information et d’analyse qu’est le ministère des affaires étrangères. L’asile relève du droit international, il ne doit pas servir une politique de restriction des flux migratoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

    Il y a pis : vous avez décidé de permettre le recueil de statistiques sur les origines ethniques, en introduisant sans concertation, sans débat, ces dispositions dans un texte touchant le code d’entrée et de séjour des étrangers. C’est, pour le moins, malvenu et ambigu.

    Vous avez décidé, monsieur le ministre, de privilégier la communication médiatique par rapport au débat de fond. Le recours aux tests ADN en est un exemple. En multipliant les obstacles à l'immigration régulière, vous incitez les migrants à venir en France clandestinement. À l’encontre du but que vous prétendez poursuivre, vous favoriserez les réseaux de passeurs, vous alimenterez le marché noir des travailleurs clandestins. C’est donc un projet de loi dangereux.

    Parce que vous portez un mauvais coup au droit de vivre en famille ;

    Parce que vous portez un mauvais coup à la science et à notre conception ouverte de la filiation (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) ;

    Parce que vous portez un mauvais coup aux principes républicains ;

    Parce que vous continuez à porter un mauvais coup à l'image internationale de la France, et en particulier dans les pays africains après le discours douteux de Dakar, nous, députés socialistes, radicaux et citoyens, avons décidé de rejeter ce projet de loi.

    Nous voterons contre ce projet indigne et nous saisirons sans attendre le Conseil constitutionnel pour que les articles contraires à notre Constitution soient censurés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

    Vote sur l'ensemble

    M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur l'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 550

    Nombre de suffrages exprimés 517 (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

    Majorité absolue 259

    Pour l’adoption 282

    Contre 235

    L'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire, est adopté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Huées sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

    La séance est suspendue.

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante, est reprise à dix-huit heures.)

     

  • De la brousse africaine au TGI de Nantes : “A l’est d’Adn"

     

    Projet de loi relatif à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile

    Exclusivité : entre science politique et cinéma du réel, après “Kirikou et la sorcière”, et “Identification d’une femme” prochain tournage à Nantes de “A l’est d’Adn"

    Le pitch * : Un ressortissant d’un pays souffrant de carence en état civil demande que l’identification par ses empreintes génétiques soit recherchée afin d’apporter un élément de preuve d’une filiation déclarée avec [sa] mère. Les co-scénaristes ont pris soin d’écrire [sa] mère, entre crochets…

    Avant de lire la fiche technique, ne pas manquer la remarquable critique du sénateur Jacques Muller, lors de la projection publique du 23 octobre 2007 * au Sénat.

     

    Séance publique du mardi 23 octobre 2007

    Projet de loi relatif à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile - Séance publique du mardi 23 octobre 2007 - Conclusions de la Commission Mixte Paritaire

    Intervention du Sénateur Jacques MULLER  

    M. Jacques Muller. - La Commission mixte paritaire a eu une lourde tâche : présenter un texte de consensus sur des points de divergences fondamentaux entre l'Assemblée nationale et le Sénat. La seule chose dont on puisse se réjouir, monsieur le ministre, c'est qu'au contraire de ce que souhaitait le Gouvernement, l'Assemblée nationale n'a pas eu le dernier mot... Vous avez pu mesurer l'implication énergique et déterminée des sénateurs pour rendre ce texte, marqué du sceau de l'inégalité et de la discrimination, moins inacceptable, plus humain, et tenter d'en extraire les dispositions les plus discriminatoires.

    Si je salue les trop rares avancées de ce texte, notamment la mise en place d'une carte de résident permanent ou la mise en place d'un recours suspensif de plein droit contre les décisions de refus d'asile à la frontière, c'est sans faire preuve d'angélisme. Loin d'être un texte d'équilibre, respectueux du principe d'égalité de tous devant la loi, conforme à l'histoire de la politique migratoire de la France et aux principes qui ont concouru à son élaboration, votre projet de loi, monsieur le ministre, est un texte de rupture. Car il rompt avec des principes qui ont jusqu'à présent concouru à faire de la France une terre d'accueil. Il rompt avec les principes élémentaires qui fondent notre droit : droit de vivre en famille, principe constitutionnel d'égalité, droit au respect de la dignité. Il rompt avec les engagements internationaux de la France, et notamment l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme ou les règles de droit international privé. Il rompt, enfin, avec la politique française de coopération et de co-développement que vous prétendez pourtant promouvoir. Une politique mise à mal par les restrictions successives que lui a imposées votre majorité, et aujourd'hui vouée à disparaître, et avec laquelle vous affichez votre volonté de rupture.

    Le discours colonialiste du Président de la République à Dakar est l'illustration oratoire de cette rupture, dont ce projet de loi est l'illustration législative.

    M. Brice Hortefeux, ministre. - Quelle méconnaissance !

    M. Jacques Muller. - Ce texte a été et reste un acte de défiance : non seulement à l'égard des étrangers, mais également à l'égard des Etats étrangers. Ce mauvais projet de loi fait de l'immigré un être suspect, un délinquant en puissance, une persona non grata incapable et profiteuse. Vous ne mesurez pas l'image négative que ce texte donne de la France à l'étranger. Vous ne mesurez pas le choc que ce texte provoque dans la conscience de nos concitoyens, notamment dans les associations familiales.

    Vos objectifs demeurent identiques : l'arithmétique froide l'emporte sur l'humanisme dont s'honorait jusqu'à présent notre pays. Seule la forme a changé. Il y a, bien sûr, le test ADN, dont on a parlé à l'envi. Je ne reviendrai pas sur les raisons qui rendent cet article détestable et contraire à l'esprit de la République, mais certains problèmes d'ordre technique méritent d'être rappelés car je suis plus que sceptique quant à la mise en oeuvre concrète de l'article 5 bis. Ainsi, un enfant africain, en brousse, à des kilomètres du premier poste consulaire, devra, pour rejoindre ses parents, braver l'impossible. Il faudra qu'il prouve qu'il est le fils de sa mère. Vous nous dites que le test est facultatif. Soit, mais personne n'invoquera la possession d'état auprès d'une administration suspicieuse. Personne ne se bornera à prouver sa filiation avec des documents administratifs, sur la seule foi de leur établissement, comme d'ailleurs le prévoit le code civil. L'étranger qui ne demandera pas de test passera pour celui qui a quelque chose à cacher. Voilà les conclusions auxquelles parviendront les autorités consulaires.

    M. Pierre Fauchon. - Qu'en savez-vous ?

    M. Jacques Muller. - Les autorités consulaires n'admettront pas que des considérations éthiques puissent pousser des étrangers à refuser ce test. « S'ils le refusent, c'est qu'ils fraudent... » se diront--elles. Admettons que la mère et l'enfant acceptent ce test. L'enfant devra alors attendre que les autorités administratives françaises à l'étranger demandent au tribunal de Nantes de statuer sur l'opportunité du recours au test ADN. Combien de temps se passera-t-il pour que la requête soit inscrite au rôle d'un tribunal déjà surchargé ? Ensuite, il faudra attendre que ce tribunal mène les « investigations utiles ». Le juge nantais ira-t-il dans la brousse africaine pour fonder son jugement ? Se contentera-t-il de conclure de manière systématique à la nécessité du test ? Pourquoi recourir au juge si la réponse est connue d'avance ? La réponse est simple : cet article s'écartait du dispositif prévu dans les lois bioéthiques que nous nous sommes engagés à ne réviser qu'en 2009. En réglant ce « détail » au Sénat, le Président Hyest a cru résoudre la question, mais il n'a fait que la compliquer.

    M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Il faut savoir ce que vous voulez ! On ne peut pas tout dire et son contraire !

    M. Jacques Muller. - Le texte évoque un « débat contradictoire » : comment un enfant, dans la brousse africaine, pourra-t-il faire valoir ses droits devant le tribunal à Nantes ?

    M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - En matière civile, on est représenté !

    M. Jacques Muller. - Sera-t-il représenté par un avocat africain en France ? Disposera-t-il d'un avocat commis d'office ?

    En outre, il me paraît extrêmement dangereux d'associer dans un même texte fichage ADN et fichier ethniques. Cette association de mots et de dispositifs dans une seule et même loi, complétée par la suppression pure et simple de la référence aux discriminations subies par les étrangers établis en France dans le rapport pluriannuel sur l'immigration, en dit long sur la tournure que prend la conception française de la politique migratoire. Avec ce projet de loi, vous institutionnalisez l'obsession du fichage : après le fichage des enfants d'immigrés sans papiers inscrits dans les écoles publiques, celui des décisions rendues par les juges impliquant un immigré, celui des fonctionnaires de police par la voie de test ADN récemment révélé par la presse, c'est aux étrangers pas même entrés en France que vous vous attaquez. Cette démarche est inappropriée, vexatoire et honteuse !

    Un point avait été acquis lors de notre examen, mais il a été supprimé par la CMP. A l'initiative de ma collègue Boumediene-Thiery, un amendement des Verts avait été adopté qui dispensait les personnes âgées bénéficiant de l'allocation de solidarité, du revenu minimum fixé par ce projet de loi. Il nous est en effet apparu impérieux de permettre à des personnes âgées, vulnérables et seules, de bénéficier du regroupement familial même si elles ne peuvent justifier de revenus égaux au SMIC. Le rapporteur avait été défavorable mais le Gouvernement s'en était remis à la sagesse de la Haute assemblée qui l'avait voté.

    M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - C'était une bêtise !

    M. Jacques Muller. - Or, la CMP a supprimé cet amendement. M. Hyest estime en effet qu'une telle disposition instituerait une discrimination entre les personnes âgées bénéficiant d'une pension modeste et celles bénéficiant de l'allocation de solidarité.

    M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Eh oui !

    M. Jacques Muller. - Mais toute personne âgée qui ne bénéficie pas d'une pension suffisante ne bénéficie-t-elle pas de plein droit de l'allocation de solidarité ? Cette discrimination vous choque ? Mais pourquoi ne pas dénoncer celles que ce projet de loi met en place ? Discriminations entre conjoints étrangers de Français établis en France et conjoints de Français établis à l'étranger, discrimination entre enfants d'étrangers qui doivent respecter une obligation de scolarité et enfants de Français tenus à la seule obligation d'instruction, discrimination entre familles étrangères et familles françaises dans la fixation du revenu minimum nécessaire pour vivre en famille. Comment nous opposer le principe d'égalité quand tout ce texte repose sur sa violation ?

    En définitive, ce projet de loi est une compilation d'obstacles procéduraux visant à dissuader les étrangers de venir en France. La CMP est parvenue non à un équilibre, mais à un faux compromis. En voulant maintenir ces dispositions tout en les rendant compatibles avec la Constitution, vous êtes parvenus à une véritable aberration procédurale, qui se révélera inapplicable sur le terrain.

    Ce projet de loi n'est qu'un nouvel instrument de la politique spectacle conduite de main de maître depuis plusieurs mois, un gadget électoraliste pour braconner sur les terres du Front National, un nouvel artifice destiné à détourner l'attention de nos concitoyens des vrais problèmes. Les sénatrices et les sénateurs Verts voteront contre. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

    *

    La gauche a d'ores et déjà annoncé son intention de saisir le Conseil constitutionnel sur la question des tests ADN. La décision des membres du jury (“Les sages”), sous la présidence de Jean-Louis Debré, est attendue pour novembre.

    *

    A retenir : Le Parlement français a adopté définitivement, mardi 23 octobre, le projet de loi sur l'immigration dans sa version définitive.

    Les sénateurs ont entériné par 185 voix contre 136, la version de la commission mixte paritaire Assemblée-Sénat. Les députés ont l’ont votée, dans la journée, par 282 voix contre 235.

    Au Sénat, les groupes UMP et Nouveau Centre ont voté "pour". Les groupes Socialiste, radical et citoyen (SRC) et de la Gauche démocrate et républicaine (GDR) ont voté contre, ainsi que les élus MoDem et quelques parlementaires UMP.

     A l'Assemblée nationale, la plus grande partie du groupe UMP a soutenu le texte. Le groupe du Nouveau Centre s'est divisé entre abstention, pour et contre. Le groupe SRC et de la GDR ont voté contre, ainsi que François Bayrou, président du MoDem, et quelques députés de la majorité.

    Fiche technique (copie “Le Monde”, mise à jour le 23)

    Regroupement familial. Langue française. Une "évaluation de la connaissance de la langue et des valeurs de la République" est mise en place dans le pays d'origine du demandeur pour les 16-65 ans et leurs conjoints. En cas de non-réussite aux tests, une formation de deux mois est organisée, qui donne lieu à une nouvelle évaluation. "La délivrance du visa [sera] subordonnée à la production d'une attestation de suivi de cette formation."

    Regroupement familial. Ressources. Les ressources exigées pour faire venir sa famille tiendront compte de sa taille. Un décret en précisera le montant, compris entre 1 et 1,2 smic. Les parents devront signer un "contrat d'accueil et d'intégration par lequel ils s'obligent à suivre une formation sur les droits et les devoirs des parents en France, ainsi qu'à respecter l'obligation scolaire".

    Contrat d'accueil et d'intégration. Les parents dont des enfants auront bénéficié du regroupement familial devront conclure ce contrat qui les oblige à suivre une formation sur les droits et devoirs des parents en France. Le non-respect du contrat peut être sanctionné par une suspension des allocations familiales et par un non-renouvellement de la carte de séjour.

    Test ADN. Tout "ressortissant d'un pays dans lequel l'état civil présente des carences, qui souhaite rejoindre l'un de ses parents ou ayant obtenu le statut de réfugié, peut, en cas d'inexistence de l'acte de l'état civil, ou lorsqu'il a été informé de l'existence d'un doute sérieux sur l'authenticité de celui-ci, demander que l'identification par ses empreintes génétiques soit recherchée afin d'apporter un élément de preuve d'une filiation déclarée avec [sa] mère".

    Le consentement des personnes devra être recueilli. Le tribunal de grande instance de Nantes devra statuer sur la nécessité d'une telle vérification. Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis du Conseil consultatif national d'éthique, définira les conditions de mise en œuvre, la liste des pays concernés, la durée de l'expérimentation de la mesure.

    Le recours à ces tests est expérimental, jusqu'au 31 décembre 2009. Il se fait à la demande de l'intéressé, est pris en charge financièrement par l'Etat et réservé aux pays dans lequels l'état civil présente des carences. Il ne permet d'établir la filiation que par rapport à la mère. Le tribunal de grande instance de Nantes doit être saisi de la décision d'autoriser le test et désigner la personne chargée de le pratiquer. La liste des pays concernés doit être établie par décret.


    Régularisations de travailleurs sans papiers.
    Travail. Les préfectures pourront régulariser, "à titre exceptionnel", les étrangers justifiant d'une promesse d'embauche dans un métier et une zone géographique “caractérisés par des difficultés de recrutement”. Quand une entreprise transnationale fera venir un salarié étranger, un titre de séjour sera attribué à celui-ci sans que l'administration ait à apprécier l'opportunité de sa venue au regard de la situation de l'emploi.

    Carte. Une carte de résidence permanente à durée indéterminée pourra être délivrée à un étranger qui en fait la demande à l'expiration de sa carte de séjour de dix ans. Ainsi, l'étranger ayant un statut de résident depuis plus de dix ans reçoit une carte de résident illimitée au lieu des dix ans actuels.

    Statistiques. Recensement des origines ethniques.
    Des données faisant "apparaître les origines raciales ou ethniques" des personnes pourront être recueillies dans le cadre d'études, menées sous le contrôle de la CNIL, visant "la mesure de la diversité des origines des personnes, de la discrimination et de l'intégration".

    Asile. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) passe de la tutelle du ministère des affaires étrangères à celle du ministère de l'immigration et de l'identité nationale. L'étranger arrivant en situation irrégulière, déposant à la frontière une demande d'accès au territoire au titre de l'asile, disposera, en cas de refus, d'un recours suspensif. L'étranger qui a fait l'objet d'un refus d'entrée sur le territoire français au titre de l'asile peut faire appel dans les 48 heures.

     

    Presse locale du 24 octobre 2007

    Extrait Ouest-France :

    “Le détail du vote des députés. Sur 320 UMP, trois ont voté contre (François Goulard, Franck Marlin et André Wojciechowski) et 21 se sont abstenus (Jean-Paul Anciaux, Pierre Bédier, Marcel Bonnot, Pierre Cardo, Jean-Louis Christ, Henri Cuq, Marc-Philippe Daubresse, Yannick Favennec, André Flajolet, Hervé Gaymard, Jean-Pierre Georges, Jean-Pierre Grand, Jean Grenet, Laurent Hénart, Françoise Hostalier, Jacques Le Guen, Bruno Le Maire, Hervé Mariton, Michel Piron, Valérie Rosso-Debord et Georges Tron).Toute la gauche a voté contre.Au Nouveau Centre (ex-bayrouistes alliés de l'UMP), 4 ont voté pour (Olivier Jardé, Yvan Lachaud, François Sauvadet et Marc Vampa), 4 contre (Stéphane Demilly, Jean Dionis du Séjour, Jean-Christophe Lagarde et Claude Leteurtre), les 10 autres s'étant abstenus.Chez les non inscrits, Véronique Besse a voté pour, François Bayrou, Thierry Benoît et Jean Lassalle contre, Nicolas Dupont-Aignan et François-Xavier Villain se sont abstenus”.

    http://www.ouest-france.fr/Le-Parlement-adopte-la-loi-sur-l-immigration/re/actuDet/actu_3635-457962-----_actu.html

    http://www.presseocean.fr/-Je-vais-a-l-ecole-mais-les-parents-ont-peur-/re/actu_detail/actu_12026-457993-----_actu.html

     

     

     

    Notes /

    Michel Ocelot, 1998 ; Michelangelo Antonioni, 1982 ; “A l’est d’Eden”, film d’Elia Kazan (1955) d’après un roman de John Steinbeck (1952).

     

     

    RAPPEL : Liste de diffusion

    Le Collectif enfants étrangers citoyens solidaire lance un appel à s'inscrire et se réinscrire en envoyant un mail à l’adresse collectifenfantsetrangers@yahoo.fr