Communication de Stéphane HESSEL, ancien Ambassadeur de France à l'ONU
Cher(e)s ami(e)s,
Ce 1er juillet 2006 est à marquer d'une pierre blanche parce que cette journée témoigne :
d'une part, de la solidarité citoyenne qui s'est développée au fil des mois autour des enfants étrangers scolarisés en France et de leurs familles, dont la vie quotidienne et les projets d'avenir sont minés par le risque d'expulsion ;
d'autre part, de l'humanité qui prévaut au sein de la population française, malgré les tentations du renfermement sur soi que génère la période d'incertitude dans laquelle l’humanité évolue ;
enfin, de la force de la conscience collective et de l'engagement qui fondent le large mouvement de résistance civique auquel vous participez activement à travers votre initiative "aucune chaise vide dans nos écoles à la rentrée 2006".
Connaissant Nantes pour son action en faveur des Droits de la personne humaine (et je reviendrai avant la mi-juillet dans votre Cité pour le Deuxième Forum des Droits de l'Homme) et la Bretagne pour le respect de la diversité culturelle qu'elle promeut, j'aurais sincèrement souhaité pouvoir me joindre à vous à l'occasion de ce rassemblement du 1er juillet.
Des engagements pris de longue date dans un autre territoire ne me permettent pas d'être parmi vous physiquement. Mais je m'associe moralement à vos échanges et à vos débats, car les valeurs d'humanité et de solidarité qu'ils sous-tendent vont dans le sens du combat que je mène à travers le monde depuis de nombreuses décennies.
Si l'Etat tente de mettre à mal aujourd'hui la fonction de terre d'asile que notre pays a inscrite comme l'une de ses richesses historiques, la société civile se bat pour la conserver.
Nous pouvons être fiers ensemble de l'éthique qui transcende ainsi les catégories sociales, les origines et les visions politiques.
Les Circulaires lancées en urgence par le Ministre de l'Intérieur en écho à la mobilisation citoyenne, aussi prometteuses qu'elles paraissent en termes de régularisation, ont sans doute pour objectif inavoué d'adoucir l'image dudit Ministre et d'enrayer le mouvement citoyen en marche.
Nous ne pouvons que nous réjouir de voir dans les prochaines semaines des enfants et leurs familles obtenir enfin leurs papiers de séjour.
Mais nous devons rester vigilants et soudés pour veiller à ce que les intentions se confirment, pour faire en sorte que plus aucun enfant en provenance d'un autre pays ne vive en France la "peur au ventre"
Je tiens par ce message à dire toute ma sympathie aux enfants étrangers accueillis dans les écoles de la République, à leurs familles ; et à les assurer de mon engagement à leurs côtés.
Jadis associé au sein de l'ONU à la rédaction de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948, je suis ravi de pouvoir écrire avec vous, en ce début d'été 2006 et même à distance, une nouvelle page du livre des solidarités humaines.
Merci, cher(e)s ami(e)s, de votre mobilisation.
Recevez chacun, chacune et tous, l'expression de mes sentiments les meilleurs.
Paris, le 1er juillet 2006