Le Collectif Enfants Etrangers Citoyens Solidaires, fondé en mars 2004 à l’initiative de parents d’élèves de l’école Stalingrad à Nantes, c’est aujourd’hui l’histoire de parents, d’enseignants, de représentants d’associations, de citoyens, bref d’hommes et de femmes indignés qui n’ont cessé de se mobiliser pour la régularisation de familles d’origine étrangère. Des familles dont les enfants sont scolarisés, souvent depuis plusieurs années, dans les écoles, collèges et lycées de l’agglomération nantaise et du département.
Depuis deux ans, de manif en manif, de pétitions en occupations d’école, nous n’avons eu de cesse d’attirer l’attention de la Préfecture sur la situation de ces personnes pour lesquelles parfois, devant l’urgence de la situation, nous avons dû trouver des solutions de logement là où les pouvoirs publics n’offraient comme perspective d’asile que la rue. Ainsi, en octobre 2004, au seuil du plan hivernal, après que deux familles algériennes déboutées du droit d’asile aient dû quitter un logement obtenu par l’entremise de l’évêché de Nantes, nous avons décidé de mettre à l’abri ces familles dans les murs de la Maison des Syndicats. Une solution de courte durée qui s’est soldée, au petit matin du deuxième jour, par l’expulsion musclée des familles et des enfants conduits en garde à vue avant une libération inespérée, le soir même au terme d’une journée éprouvante de rapport de force avec la Mairie de Nantes et la Préfecture.
Au printemps 2005, devant la surdité chronique d’une Préfecture chargée d’appliquer la politique que l’on sait, nous nous sommes à nouveau tournés vers deux institutions, dont les représentants, Mrs Mareschal et Ayrault, nous ont semblé devoir porter la voix de tous ceux qui, de plus en plus nombreux, refusent le sort réservé aujourd’hui aux émigrants. A des hommes, des femmes et des enfants qui, depuis plusieurs années, ont trouvé dans les écoles et les quartiers de notre cité au-delà d’une protection et d’un asile, l’espérance d’une vie meilleure en cours de reconstruction.
En juin 2005, grâce à des soutiens de marque tels que Jacques Gaillot, Albert Jacquard et Michel Tubiana, notre lutte pour la régularisation des demandeurs d’asile nantais a trouvé un nouvel écho dans la rue, devant une clinique de l’Espérance vide comme tant d’autres édifices nantais.
Aujourd’hui encore, au sortir de l’hiver, la situation reste plus préoccupante que jamais pour une dizaine de familles déboutées du droit d’asile bientôt mises à la rue et privées de tout droit, y compris de ceux que notre société revendique pour des animaux.
Deux ans plus tard, nous refusons toujours d’accepter sans rien dire que nos enfants voient, du jour au lendemain, partir leurs camarades vers des destinations traumatisantes : la rue, un centre de rétention où la situation se dégrade de jour en jour et où la présence d’enfants est désormais un fait avéré, un pays plus ou moins inconnu où de réels dangers mettraient en péril la vie des enfants et de leurs parents.
Au cours des semaines qui ont précédé les vacances de la Toussaint 2005, les mobilisations autour des écoles, des collèges et des lycées se sont multipliées dans tout le département et une coordination d’enseignants, d’élèves et de parents d’élèves du secondaire a rejoint le Collectif Enfants Etrangers Citoyens Solidaires.
Néanmoins, familles ou personnes isolées sans papiers continuent d’être renvoyées de leurs hébergements. En dépit de nouvelles marques de soutien apportées par les collectivités locales et l’association l’Accueil d’Abord, des enfants, des personnes malades, âgées, vont encore se retrouver à la rue, sans logement, dans la plus grande humiliation, la plus totale désespérance.
Le plus souvent, ces femmes, ces hommes, ces enfants ont fui la guerre, la misère avec l’espoir que la France leur offrirait des conditions de vie dignes d’êtres humains. Notre pays a les moyens de les accueillir comme il a les moyens d’éradiquer la misère sur son sol.
Nous mettons en demeure les pouvoirs publics d’assumer leurs responsabilités en accordant un hébergement à toutes ces personnes.
Alors que la Préfecture multiplie les arrêtés de reconduite à la frontière et les expulsions, nous réaffirmons que, seule, la régularisation permettra à toutes et tous l’accès à une vie plus décente, sans quoi, comme nous l’a rappelé Albert Jacquard : « Comment nos enfants pourront-ils vivre bien aux côtés de ces enfants qui sont méprisés, humiliés ? »
Frédéric CHERKI