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Article paru dans Libération du 25 avril 2006

 

Immigration : « Les plus faibles vont être acculés à la désespérance »

"Libération", 25 avril 2006

 

Les organisations chrétiennes lancent un appel contre le projet de loi

L’événement est « exceptionnel » et Jean-Pierre Richer, directeur du Secours catholique, n’a pas manqué de le souligner. Hier, une cinquantaine de « mouvements, associations et services chrétiens » ont lancé un appel contre le projet de loi Sarkozy sur l’immigration. « La dernière fois, c’était il y a dix ans, contre les lois Debré », souligne José Da Silva, directeur du Service national de la Pastorale des migrants (service de l’Eglise catholique). La précédente loi Sarkozy de 2003 sur l’immigration n’avait pas provoqué une telle levée de boucliers. Les évêques catholiques ainsi que les responsables protestants et orthodoxes ont déjà exprimé leur désaccord (Libération du 22 avril). « On retrouve dans ce texte la même philosophie sous-jacente que dans la loi Debré », explique José Da Silva. A savoir : une multiplication des obstacles à la délivrance d’un titre de séjour aux étrangers « inutiles ».

« Perspective utilitariste ». « Cette réforme s’inscrit délibérément dans une perspective utilitariste. Seront acceptables en France les étrangers perçus comme nécessaires pour l’économie, la personne humaine et sa situation personnelle devenant secondaires et ses droits restreints », critiquent les organisations chrétiennes. Les autres étrangers, « les plus faibles », « ceux et celles qui sont poussés sur les routes de l’exil, contraints par la pauvreté et la mauvaise gouvernance », vont devoir faire face au contraire à « des mesures de plus en plus restrictives » (lire page 4).

Pour les signataires de l’appel, ce projet va « acculer à la désespérance les milliers d’étrangers présents depuis longtemps en France ». « En restreignant voire en supprimant les possibilités de régularisation, on est en train de créer une machine à ajouter des sans-papiers », prévient Patrick Peugeot (1), président de la Cimade (service oecuménique d’entraide). En traitant la question « de manière exclusivement sécuritaire », le gouvernement prend le risque de « reculs considérables de certains droits fondamentaux » et de « la précarisation des immigrés présents sur notre territoire », ajoute Joël Thomas, président du Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD). Accessoirement, ce projet de loi pourrait nuire à l’image de la France dans le monde. Jean-Pierre Richer craint qu’elle apparaisse comme « xénophobe, et xénophile par exception et intérêt ».

Les chrétiens ne sont pas dupes de la période à laquelle ce texte est présenté au Parlement. « Il arrive bien tard, à un an d’échéances électorales importantes », regrette le président du Secours catholique. « Ça n’est pas dans le climat électoral que l’on peut espérer une réflexion dans de bonnes conditions sur un sujet aussi essentiel », relève Patrick Peugeot, pour qui ce projet de loi est avant tout « électoraliste ».

« Eveil des consciences ». De cet appel, les organisations signataires attendent un « éveil des consciences », notamment chez les croyants. « Le message de l’Evangile est universel, antiraciste et xénophile », rappelle Jean-Pierre Richer. « C’est une campagne d’opinion que nous menons. Pour les moyens d’action, nous laissons chacun libre », précise Joël Thomas du CCFD. Certaines de ces associations sont membres du collectif Uni (s) contre une immigration jetable qui organise une journée nationale d’action samedi 29 avril.

La fronde des chrétiens se poursuivra aujourd’hui. Les présidents de la Conférence des évêques de France, de la Fédération protestante et de l’Assemblée des évêques orthodoxes de France vont faire porter, ce matin, à Dominique de Villepin une lettre dans laquelle ils soulignent les « risques de fragilisation des populations migrantes en France » que comporte ce projet de loi, et rappellent que la solution aux questions d’immigration passe avant tout par le co-développement.

Catherine Coroller

(1) Par ailleurs membre du conseil d’administration de Libération.

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