Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

La directive sans retour

Avant de déplorer le nouvel objectif fixé pour 2009 : 30 000 morts ! La nouvelle TGV est tombée : la directive "Retour" a été adoptée par le conseil des ministres des TRANSPORTS ! Cela ne s’invente pas ! Notre président qui, il y a une semaine encore, ignorait que le TGV atteignait déjà Strasbourg, n’aura pas usé de cette voie pour arrêter avant son arrivée à Bruxelles, le passage au conseil d’un texte tant décrié. Une durée de rétention portée à dix-huit mois (quand elle est en France de 32 jours) et une interdiction de retour sur le territoire pour une durée de 5 ans qui introduira en France cette association inédite de la pénalisation de l’irrégularité du séjour et de l’interdiction du territoire. Les transports de la Honte : le conseil européen des ministres des transports adopte la Directive Retour. Nous demandons la RENEGOCIATION de la Directive Retour ! « Mieux vaut une réussite solidaire qu’un exploit solitaire », Albert Jacquard » entendu ce mardi 9. A qui s’adressait-il ? Lui qui n’est jamais assez entendu. Et ce n'est pas faute de le clamer haut et fort depuis plus de 60 ans ! Ce soir, j’aurais aimé revenir sur cette année 2008, l’année de l’objectif des quotas d’expulsions : 26 000 ! Ce soir j’aimerais revenir sur cette directive « Retour » dont l’inscription à l’ordre du jour d’un des conseils des ministres de l’Union européenne dépendait encore de la volonté d’un seul, notre président de la République. Car il était encore en son pouvoir de renoncer à son inscription à l’ordre du jour d’un des conseils européens d’ici la fin de la présidence française. Je l’invitai au désordre du jour. Je l’invitai à chambouler son ordre de priorités. Je l’invitai à consulter son éphéméride du 9 décembre qui rappelle que l’Assemblée générale de l’ONU a approuvé il y a 60 ans la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (le 11 décembre 1946, elle déclarait « que le génocide est un crime du droit des gens, en contradiction avec l’esprit et les fins des Nations Unies et que le monde civilisé condamne »). Je l’invitai à consulter son éphéméride du 10 décembre où, cette année encore, et avec le sentiment accru d’un fossé entre les pétitions de principe et les actes au quotidien, nous aurons été des millions à tenter de nous souvenir de l’espoir suscité par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Je l’invitai à considérer l’effet que ce geste aurait sur des dizaines de milliers de citoyens français littéralement médusés par l’enchaînement déshumanisant qu’un projet de directive sur le contrôle de l’immigration et les restrictions à l’asile, en soi peut-être nécessaire, a eu sur des dizaines de milliers de personnes.

Je l’invitai à ne pas oublier sa parole, ses engagements, notamment en faveur des plus opprimés, des plus délaissés par la chance : réfugiés des désordres climatiques, réfugiés du chaos des guerres inciviles, réfugiés des ravages meurtriers des guerres claniques ou ethniques.

Un autre projet était possible. En un an, la société civile, aiguillonnée par les organisations qui depuis 60 ans s’occupent du sort des migrants, a considérablement mûri : sa réflexion et sa maîtrise des réalités des flux migratoires, sa conscience de la globalité de l’enjeu permettait d’élaborer un autre projet. On l’a ignorée.

Au risque de ne nous laisser de cette année que le souvenir d’une des inventions les plus rétrogrades que la France aura portées depuis des décennies : les quotas d'expulsion ! Le sort des migrants, demandeurs d’asile ou non, déboutés ou non, celui qui leur est fait en notre nom, préfigure celui qui sera notre lot commun, demain, quand l’éclatement des solidarités, la mondialisation de la peur, la dissémination de la honte auront définitivement fait voler en éclat le souci de l’autre.

Or la coopération internationale est nécessaire, et l’Europe seule, ne peut prétendre figer dans le marbre un repli sur soi en évinçant tous les autres, ceux qui sont nés sur un bord instable, un littoral surpeuplé, un désert aride, une rive hostile.

Les accords de gestion concertée des flux migratoires, l’idée n’était pas si mauvaise si elle n’aboutissait à des traités inégaux. L’aide au retour avec des projets financés n’était pas si mauvaise, si elle n’était l’alibi pour remettre aux mains de leurs bourreaux des réfugiés auxquels la France aura refusé l’asile, sans prendre le temps d’examiner leurs dossiers.

Rien n’est irréversible, sauf la mort. Or c’est la mort qu’a engendrée la politique des quotas. C’est la mort qui est au rendez-vous pour des dizaines de personnes reconduites, expulsées. Une politique du désastre. Sans aucune justification. Car rien ne justifie de fixer des quotas d'expulsion. Rien ne justifie de fixer le nombre de reconduits de force à nos frontières. Si ce n'est la satisfaction d'un raisonnement délétère et d'une pulsion pernicieuse. La culture de l'objectif quand elle conduit à de tels dérapages est une culture de mort.

Quelle confiance pouvons-nous encore accorder aux politiques quand, en dépit de toutes les garanties, des policiers pénètrent dans les écoles pour venir chercher des enfants et les expulser avec leurs parents ?

Quels mots pourrons-nous trouver pour expliquer à nos enfants que leurs copains de classe que l’on croyait protégés par la République ont dû quitter le territoire sans que nous ayons eu le moyen de garantir l’exercice de leurs droits et ceux de leurs parents ?

Quel avenir offrirons-nous à ces enfants si nous ne sommes même pas capables de les protéger contre nous-mêmes ?

Les jeunes d’Athènes, rebelles, sont aussi l’avenir de l’Europe. Ces jeunes nous mettent aussi en garde contre les dérives policières. Parce que s’ils sont peu politisés, leurs parents le sont ou l’ont été. Et le souvenir de cette année 1973 qui vit l’arrivée au pouvoir des colonels et une chape de plomb s’écraser sur les droits et la démocratie d’Athènes ne peut pas ne pas avoir laissé des traces. Or, comme nous, ils savent ce que sont les geôles grecques, et notamment les centres de rétention où sont retenus les étrangers en instance de refoulement. Comme nous, ils connaissent les rapports accablants rendus publics cette année sur les conditions de détention des migrants qui transitent dans leur pays, porte d’entrée sur le continent. Ils sont eux aussi les gardiens de la démocratie.

Il est nécessaire d’entendre leur révolte, même si elle est desoeuvrée. Parce que ce qu’ils expriment, c’est un renoncement à croire en la justice, en la politique. C’est le pire symbole dans la patrie de la démocratie. C’est le pire des messages que l’on puisse adresser à l’avenir.

Il ne faudrait pas désespérer cette jeunesse du berceau de la démocratie européenne. Et donner un autre espoir à tous ceux qui emprunteront les chemins de l'Europe.

IdL

 

Les commentaires sont fermés.