Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Le malaise qui enrobe toute l'Europe

REBONDS http://www.liberation.fr/rebonds/319061.FR.php

Les oubliettes de l’Europe


Nathalie Ferré présidente du Gisti (Groupe d’information et de soutien des
immigrés).

« Libération » jeudi 3 avril 2008



"Dans deux centres de rétention administrative de la région parisienne, des
étrangers en instance d’éloignement se sont mis en grève de la faim pour
protester contre les conditions de leur interpellation et de leur
incarcération. Ils dénoncent les arrestations « arbitraires » dont ils sont
l’objet, les conditions de rétention « indignes », les fouilles
« humiliantes », les comptages de nuit répétés et le manque d’hygiène qui leur sont imposés, et se plaignent d’être « traités comme du bétail ». Les objectifs chiffrés fixés par le gouvernement pour les reconduites à la frontière ont conduit
l’administration à accélérer les procédures et à multiplier, fin 2007,
les pratiques arbitraires et les mauvais traitements. Pourtant, ces situations
sont le lot commun de ce que vivent tous les jours, sans avoir été condamnés
ni jugés, les étrangers, réfugiés, demandeurs d’asile, sans-papiers, dans
les multiples lieux d’enfermement administratif qui sont devenus un élément
clé de la politique migratoire.

La France est loin d’être la seule concernée : en septembre 2007, sept
demandeurs d’asile iraniens sont montés sur le toit du centre de rétention
de Nicosie, à Chypre, pour attirer l’attention sur leur sort. Parmi leurs
griefs, la durée excessive de leur détention, dans des conditions
matérielles et d’hygiène très médiocres, et le comportement violent de la
police à leur égard. Au Danemark, en mai 2007, de sévères critiques ont
été émises par le comité contre la torture du Conseil de l’Europe sur les
conditions de vie des étrangers consignés dans des centres pendant des
années en attendant qu’une décision soit prise sur leur sort. Les
associations belges dénoncent un régime quasi pénitentiaire provoquant des
« ravages humains ». A Malte, les observateurs mettent de façon récurrente en
garde contre la surpopulation, l’insalubrité, l’hygiène déplorable,
l’insuffisance de la prise en charge médicale, l’isolement, les violences
policières auxquelles sont soumis les étrangers dans les camps de détention
où ils restent de longs mois. La liste serait longue s’il fallait recenser
tous les accidents, toutes les tentatives de suicide, toutes les
humiliations qui constituent le quotidien dans les camps d’étrangers.

Il n’existe pas de « bonnes » conditions de rétention. Comme le démontrent
toutes les observations menées sur le terrain par les ONG ou les chercheurs,
comme ceux du réseau Migreurop [réseau européen de militants et chercheurs
dont l’objectif est de dénoncer les dérapages des politiques d’asile en
Europe, ndlr], l’internement administratif auquel sont soumis les étrangers
en Europe est par sa nature même porteur de violations, plus ou moins
systématiques, plus ou moins inévitables lorsqu’elles ne sont pas
volontaires, de leurs droits fondamentaux : en premier lieu, la liberté
d’aller et venir, mais aussi le droit d’asile, le droit au respect de la
vie privée et familiale, le droit de ne pas subir des traitements inhumains ou
dégradants ou encore les droits spécifiques des mineurs.

A la racine de ces traitements, on trouve le choix opéré par l’Europe
d’une fermeture sélective des frontières, qui privilégie l’immigration « utile »

Dans deux centres de rétention administrative de la région parisienne, des
étrangers en instance d’éloignement se sont mis en grève de la faim pour
protester contre les conditions de leur interpellation et de leur
incarcération. Ils dénoncent les arrestations « arbitraires » dont ils sont
l’objet, les conditions de rétention « indignes », les fouilles
« humiliantes », les comptages de nuit répétés et le manque d’hygiène qui leur sont imposés, et se plaignent d’être « traités comme du bétail ». Les objectifs
chiffrés fixés par le gouvernement pour les reconduites à la frontière ont conduit
l’administration à accélérer les procédures et à multiplier, fin 2007,
les pratiques arbitraires et les mauvais traitements. Pourtant, ces situations
sont le lot commun de ce que vivent tous les jours, sans avoir été condamnés
ni jugés, les étrangers, réfugiés, demandeurs d’asile, sans-papiers, dans
les multiples lieux d’enfermement administratif qui sont devenus un élément
clé de la politique migratoire.

La France est loin d’être la seule concernée : en septembre 2007, sept
demandeurs d’asile iraniens sont montés sur le toit du centre de rétention
de Nicosie, à Chypre, pour attirer l’attention sur leur sort. Parmi leurs
griefs, la durée excessive de leur détention, dans des conditions
matérielles et d’hygiène très médiocres, et le comportement violent de la
police à leur égard. Au Danemark, en mai 2007, de sévères critiques ont
été émises par le comité contre la torture du Conseil de l’Europe sur les
conditions de vie des étrangers consignés dans des centres pendant des
années en attendant qu’une décision soit prise sur leur sort. Les
associations belges dénoncent un régime quasi pénitentiaire provoquant des
« ravages humains ». A Malte, les observateurs mettent de façon récurrente en
garde contre la surpopulation, l’insalubrité, l’hygiène déplorable,
l’insuffisance de la prise en charge médicale, l’isolement, les violences
policières auxquelles sont soumis les étrangers dans les camps de détention
où ils restent de longs mois. La liste serait longue s’il fallait recenser
tous les accidents, toutes les tentatives de suicide, toutes les
humiliations qui constituent le quotidien dans les camps d’étrangers.

Il n’existe pas de « bonnes » conditions de rétention. Comme le démontrent
toutes les observations menées sur le terrain par les ONG ou les chercheurs,
comme ceux du réseau Migreurop [réseau européen de militants et chercheurs
dont l’objectif est de dénoncer les dérapages des politiques d’asile en
Europe, ndlr], l’internement administratif auquel sont soumis les étrangers
en Europe est par sa nature même porteur de violations, plus ou moins
systématiques, plus ou moins inévitables lorsqu’elles ne sont pas
volontaires, de leurs droits fondamentaux : en premier lieu, la liberté
d’aller et venir, mais aussi le droit d’asile, le droit au respect de la
vie privée et familiale, le droit de ne pas subir des traitements inhumains ou
dégradants ou encore les droits spécifiques des mineurs.

A la racine de ces traitements, on trouve le choix opéré par l’Europe
d’une fermeture sélective des frontières, qui privilégie l’immigration « utile »



- celle qui permet de répondre aux besoins de main-d’œuvre des Etats membres

- au détriment, notamment, de l’immigration familiale pourtant facteur
d’intégration. De ce fait, l’essentiel des efforts des Etats membres de
l’UE en matière de politique migratoire a porté, au cours des dix dernières
années, sur la lutte contre l’immigration irrégulière. Après les charters
pour organiser des expulsions collectives, après les murs et les grillages
pour empêcher les migrants de venir en Europe, ils discutent en ce moment de
l’harmonisation de leurs législations en matière de rétention et
d’expulsion des étrangers en situation irrégulière.

Dans ce cadre, la directive « relative aux normes et procédures communes
applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays
tiers en séjour irrégulier », qui sera soumise au vote du Parlement européen
dans les premiers mois de 2008, ouvre la voie à la généralisation d’une
politique européenne d’internement des migrants. Loin de réserver
l’enfermement administratif à des circonstances exceptionnelles ou dans le
seul but d’organiser leur éloignement, elle prévoit qu’il pourra être
ordonné dès lors que l’étranger frappé d’une mesure d’expulsion
présentera un risque de fuite ou constituera une menace à l’ordre public.

Or, aucune définition de la notion de « menace à l’ordre public » ne vient en encadrer l’utilisation.

Quant au « risque de fuite », on peut craindre qu’il ne soit
toujours présumé par les Etats ! Il faut donc s’attendre, si la directive
est adoptée, à la prolifération sur le territoire européen de camps où les
étrangers, populations indésirables, seront placés sous contrôle.

Ce n’est pas tout. Dans ces lieux de mise à l’écart, les étrangers ne
seront pas qu’en transit, enfermés le temps que soit organisé leur départ. La
directive propose que la détention, d’une durée de trois mois, puisse être
prolongée jusqu’à dix-huit mois dans le cas où l’étranger ne coopère
pas à son éloignement, ou s’il représente une menace pour l’ordre public, ou
encore si l’administration rencontre des difficultés pour obtenir les
documents de voyage. Lorsque l’on sait qu’en moyenne, en France,
l’éloignement d’un étranger intervient dans les dix premiers jours de sa
détention, la prolongation de celle-ci pendant un an et demi ne s’inscrit
plus seulement dans une recherche d’effectivité et de rationalisation des
procédures, mais vise d’autres objectifs. Lesquels ? Il s’agit d’abord,
après le contrôle et la mise à l’écart, de punir et de dissuader. Mais
aussi de lancer un message. Aux opinions européennes d’une part, parce qu’en
évoquant la prison, le camp d’étrangers alimente dans les esprits
l’association étrangers=délinquants, qui à son tour sert à justifier les
mesures prises par les autorités en matière de lutte contre l’immigration
clandestine, notamment la criminalisation du séjour irrégulier, et plus
généralement de durcissement des lois relatives aux étrangers. Aux opinions
des pays d’origine des migrants d’autre part, par le « signal fort »
envoyé par ce biais aux candidats à l’émigration. Non forcément pour les
empêcher de prendre la route. Mais, en faisant peser sur eux la menace permanente de l’interpellation, de l’internement et du renvoi, pour leur rappeler la précarité de leur statut, pour les pousser à l’invisibilité et favoriser
leur exploitation.

Dès 1993, en désignant haut et fort comme les « oubliettes de la
République » le sinistre « dépôt » de Paris qui servait de centre de rétention, le Gisti obligeait les autorités à le fermer temporairement. Notre vigilance est plus
que jamais d’actualité : exigeons de savoir ce qui se passe derrière les
barreaux des zones d’attente et des centres de rétention ! Ne laissons pas
adopter la « directive de la honte » !

Le Gisti est signataire de l’appel aux parlementaires européens : « Non à la
directive de la honte ». www.directivedelahonte.org

 

Les commentaires sont fermés.