Le projet de loi controversé sur l'immigration, qui durcit les conditions du regroupement familial et comporte un amendement parlementaire sur les tests ADN qui a créé la polémique, frappe mardi les trois coups d'une session extraordinaire du Parlement qui promet d'être agitée.
Premier texte présenté par M. Hortefeux, le projet répond à une promesse électorale du président de la République, Nicolas Sarkozy, et entend "mieux encadrer le regroupement familial". Il prévoit notamment la mise en place, dans le pays d'origine, d'une "évaluation de connaissance de la langue et des valeurs de la République", ainsi que le rattachement au ministère de l'Immigration de l'Office français des réfugiés et apatrides (Ofpra), jusqu'à présent sous tutelle des Affaires étrangères.
Avant même la discussion en séance, la polémique a enflé autour d'un amendement voté par la commission des lois et qui autorise des tests ADN sur les candidats au regroupement familial. Dans l'esprit de son auteur, Thierry Mariani (UMP), il s'agit d'une mesure "sûre et pratique", à laquelle ont déjà recours 11 pays européens, pour prouver la filiation de ressortissants originaires de certains pays, africains notamment, où l'état-civil n'est pas fiable.
L'amendement Mariani a soulevé un tollé de protestation chez les associations, un collectif appelant à manifester mardi à 18H00 devant l'Assemblée. L'opposition de gauche parle de "dérive", à l'image du chef des députés PS Jean-Marc Ayrault, qui dénonce un amendement "malsain".
Des voix continuent pourtant de s'élever au sein du groupe UMP. Après Etienne Pinte, François Goulard s'est interrogé sur la constitutionnalité de cet amendement. Selon lui, "on est excessif à l'UMP, c'est de la surenchère, c'est une erreur politique". Pour Jean-Pierre Grand, "cela s'apparente à un tatouage électronique. Sur le fond, c'est effroyable".
Le député Vert Noël Mamère estime que la mesure comme le texte sont "une entreprise de diversion, une opération électoraliste avant les municipales".
Jugeant qu'aucun sujet ne devait être "tabou", M. Hortefeux et l'Elysée ont affiché la prudence et renvoyé la responsabilité du débat aux parlementaires.
Le collectif «Sauvons la recherche» lancé un appel aux parlementaires et fait circuler une pétition
Non au contrôle génétique de l’immigration
L’utilisation de tests génétiques pour contrôler l’immigration, actuellement en discussion au Parlement, constituerait une mesure régressive profondément choquante, car elle viserait à discriminer une certaine catégorie de la population, et ouvrirait insidieusement la porte au fichage génétique.
Alors que ce projet est encore en débat, vous trouverez ci-dessous un appel à signature, demandant à nos élus de voter non à ce texte. Vous trouverez également ci-joint les communiqués de la Ligue des Droits de l’Homme et de la FIDH, qui dénoncent également vigoureusement cet amendement.
APPEL AUX PARLEMENTAIRES
Selon la loi actuellement en vigueur en France, les tests génétiques ne sont utilisables qu’à des fins médicales ou de recherche scientifique, ou après une saisine judiciaire. Les résultats de la recherche peuvent permettre certains progrès, mais aussi des utilisations inacceptables. Il serait aberrant que la loi favorise ces dernières. Pour la communauté scientifique, cela constituerait un détournement dangereux du fruit de leurs travaux, qu’elle doit dénoncer.
Or, un amendement à la loi sur l’immigration et le regroupement familial a été voté en première lecture le 12 septembre 2007 à l’Assemblée Nationale. Selon cet amendement, les autorisations à un tel regroupement pourraient se fonder sur des tests de filiation biologique, le plus souvent de paternité. Sa justification serait que lorsque des travailleurs immigrés en situation régulière veulent faire venir leurs enfants en France, l’administration n’est pas toujours certaine qu’il s’agisse exclusivement de leurs enfants biologiques. Si les parents qui souhaitent légitimement un regroupement familial peuvent payer environ 1000 € le test génétique, selon cet amendement, ils auraient leurs documents en règle plus facilement, bien qu’exclusivement pour les enfants du même sang qu’eux.
En France, les législateurs ont souligné l’importance du fait que le lien de filiation ne pouvait en aucun cas se réduire à sa dimension biologique. L’importance de ce principe est évidente lorsque l’on songe aux enfants adoptés ou aux familles recomposées. Ce principe cesserait-il d’être important pour ceux qui ne sont pas nés en France ? Le droit à vivre en famille, reconnu par la convention européenne des droits de l’homme, serait-il réservé aux Français ou à ceux qui ont les moyens de payer des tests génétiques, présentés avec une hypocrisie certaine comme non obligatoires, mais qui deviendraient vite indispensables ? Ignore-t-on que ce contrôle suplémentaire engendrerait immanquablement des trafics de documents et autres irrégularités ?
En contribuant une fois de plus à stigmatiser les candidats à l’immigration et sous prétexte de réduire un désordre, cette disposition en créerait un autre, infiniment plus grave, car il entamerait pernicieusement des principes éthiques, et ouvrirait la porte au fichage génétique de certaines catégories de la population. L’histoire nous a appris à quels désastres s’exposent les peuples qui acceptent de rogner peu à peu leurs principes éthiques, de banaliser l’inacceptable.
Nous, soussignés, demandons solennellement à nos représentants au Parlement de voter contre l’adoption définitive d’un texte inacceptable, qui ouvrirait la porte à d’autres abandons.
Pétition en ligne sur le site de SLR: http://recherche-en-danger.apinc.org/spip.php?article1625
Rédigé avec AFP