PARIS, 15 sept 2006 (AFP) - La police française multiplie les "arrestations ciblées" d'étrangers, par nationalité, pour remplir des charters de sans-papiers au risque d'être condamnée par la Cour européenne des droits de l'Homme pour expulsions collectives interdites, dénoncent des associations.
En haut d'un escalator du métro parisien, quatre policiers scrutent les visages et font un tri : seuls les asiatiques doivent présenter leurs papiers, constate une journaliste de l'AFP, le 2 septembre, à 17H00, station Goncourt.
Les agents fouillent méthodiquement ceux qui n'ont pas de documents, puis les conduisent à un fourgon de police où une interprète du chinois se tient prête. Pourquoi les asiatiques sont-ils ciblés ? "Des +blacks+, on en avait déjà assez", répond un policier. Puis, il explique : "Vous savez, c'est selon le pourcentage d'une certaine communauté dans un certain quartier..."
Six jours plus tard, le 8 septembre, le premier "vol groupé" de clandestins renvoyés en Chine devait décoller de Roissy. Pékin a finalement ajourné ce vol, demandant plus de temps pour établir les laissez-passer consulaires.
Selon la Cimade, seule association présente dans les centres de rétention administrative, "plusieurs arrestations massives et systématiques de Chinois ont eu lieu à Paris, de fin août à début septembre, pour remplir les centres".
"On assiste régulièrement à des arrestations ciblées : les autorités annoncent à l'avance qu'il y aura des charters, les vols gouvernementaux sont réservés, puis on arrête uniquement des personnes de la nationalité visée", déplore Annette Huraux, accompagnatrice juridique à la Cimade.
"Il faut remplir l'avion pour rentabiliser sa location, du coup, on ne regarde pas dans le détail le dossier de chaque étranger", estime aussi Jean-Pierre Alaux, chargé d'étude au Gisti (Groupe d'information et de soutien des immigrés).
Le 5 février 2002, la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) avait condamné la Belgique. L'arrêt Conka avait donné raison aux Slovaques se plaignant des conditions de leur arrestation et expulsion.
La convention européenne interdit notamment les "expulsions collectives d'étrangers" (c'est-à-dire "toute mesure contraignant des étrangers, en tant que groupe, à quitter un pays, sauf dans le cas où une telle mesure est prise à l'issue d'un examen raisonnable et objectif de la situation particulière de chacun").
Fin 2005, des ressortissants afghans ont déposé à Strasbourg un recours contre la France, au moment de l'organisation d'un charter à destination de Kaboul. "La CEDH a jugé recevable les requêtes et la procédure est en cours", précise M. Alaux.
"Gare de l'est, la police arrêtait uniquement ceux qui ressemblaient à des Afghans et les policiers étaient accompagnés d'un interprète du dari. Les noirs étaient stupéfaits de ne pas être contrôlés...", raconte encore M. Alaux.
"L'avion pour Kaboul est parti le 20 décembre avec... cinq passagers : ce fut sans doute l'expulsion la plus chère du monde", ironise-t-il.
Depuis mai, 480 Roumains ont été reconduits par huit vols groupés, selon les chiffres fournis à chaque vol par le ministère de l'Intérieur.
"Les rafles se multiplient chez les Roms, au mépris de la convention européenne et au détriment du contribuable français", proteste l'association La voix des Roms, assurant que les Roumains renvoyés "reviennent généralement en France une ou deux semaines après leur expulsion".