Mondial: "Materazzi, c'est une maladie", estime Thuram
lundi 17 juillet, 19h17
PARIS (AFP) - Le défenseur de l'équipe de France de football Lilian Thuram, dans un entretien accordé à l'hebdomadaire "Les Inrockuptibles" daté de mardi, affirme avoir compris le coup de tête de Zinédine Zidane sur Marco Materazzi en finale de la Coupe du monde contre l'Italie, sans pour autant le pardonner.
Dans cet interview, le joueur s'en prend également avec véhémence au ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy et regrette la "sarkoïsation des esprits".
"On a parlé (avec Zidane) après le match, mais très rapidement", déclare Thuram, détenteur du record de sélections en Bleu. "Materazzi a insulté sa famille, je comprends que Zidane ait réagi. Mais pas sur le terrain, pas sur le terrain... Il s'est trompé, et il sait qu'il s'est trompé. Je ne pense pas que ça ait eu une incidence sur le résultat, pour être clair. Mais bon, Zidane sait qu'il s'est fait piéger."
Thuram, qui laisse entendre au cours de l'entretien qu'il pourrait poursuivre sa carrière internationale, explique ensuite que les joueurs comme Materazzi nuisent à son sport.
"De toute façon, Materazzi, c'est une maladie ce type de joueur, ça ne devrait pas exister", estime le joueur de la Juventus. "Ça fait longtemps que je pense ça. Je pense que Materazzi donne une image négative du football, et il n'a pas besoin de ça, parce que c'est plutôt un très bon joueur. Il n'a pas besoin de ça. Au football, on savoure une victoire lorsqu'on la remporte dans les règles. Dans la vie, il y a des règles qu'il faut savoir ne pas respecter. Mais le football, c'est un jeu, et on respecte les règles du jeu. La victoire est encore plus belle si on respecte les règles. Ça sert à quoi de gagner si on triché? Ça ne sert à rien."
Membre du Haut Conseil à l'Intégration, Thuram, qui retrace pendant l'interview sa carrière et son enfance aux Antilles, s'en prend ensuite au ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy. Les deux hommes s'étaient opposés au moment des émeutes dans les banlieues en novembre dernier quand Sarkozy avait proposé de les nettoyer au Kärcher.
"J'ai explosé parce que ça fait longtemps que c'est dans ma tête, longtemps je me suis dis que certains politiques sont fous, que je me demande quand est-ce qu'ils vont arrêter de manipuler les gens, et surtout pourquoi ils le font", explique Thuram au journal. "Pour un intérêt personnel? Qui serait tellement fort que l'on ne voit pas le mal qui est fait? Que c'est diviser les gens? C'est facile de parler de certaines personnes à d'autres qui ne les connaissent pas. Ça crée des préjugés. Nettoyer au Kärcher? On va nettoyer quoi au Kärcher? Je me disais que peut-être qu'il n'a pas fait exprès, qu'il ne savait pas. Mais après, on a discuté et il sait très bien ce qu'il fait."
Sarkozy et Thuram s'étaient rencontrés après leur prise de bec.
"Ce qui est intéressant, c'est que c'est quelqu'un qui ne connaît pas la vie des banlieues, qui ne connaît pas les gens, ni leurs aspirations, leurs sentiments ou leurs difficultés", poursuit Thuram. "Il s'en moque. Lui, il ne parle que de numéros et de chiffres, mais ce n'est pas ça la vie. Malheureusement, la majorité des gens ne s'y connaît pas non plus et il y a de la peur: du coup, il passe pour un sauveur, il rassure. C'est simple comme bonjour. Et le problème, c'est que ça marche, parce que plus c'est simple, plus ça marche. Donc les gens se laissent avoir, d'autant plus que de l'autre côté personne n'a de message contradictoire. Et lorsqu'on parle des jeunes de cités et de banlieues, il faudrait voir de qui l'on parle, parce qu'il y a beaucoup de gens en France qui habitent dans les banlieues. De qui parle-t-on? Et les médias véhiculent toujours les mêmes messages."
Très remonté contre le ministre, Thuram s'emporte ensuite contre les expulsions de personnes en situation irrégulière sur le territoire français.
"Le problème, c'est qu'on parle de la "lepénisation" des esprits, mais il y a aussi une "sarkoïsation" des esprits!", souligne l'ancien joueur de Monaco. "Personne ne le dit. Un truc de fous: on est en France, un pays dit civilisé et l'on accepte que des gens soient expulsés, j'allais dire "déportés". On va chercher des enfants à l'école pour les expulser: je ne comprends pas qu'on accepte ça. Dans quel pays vit-on? Dans quel monde veut-on vivre? J'ai rencontré des parents dont les enfants ont peur lorsqu'ils sont à l'école. C'est quelque chose qui est en train de s'immiscer dans la société petit à petit et qui voudrait que ceux qui n'ont pas de papiers aillent mourir ailleurs." AP