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Lu dans le Quotidien du Médecin du 30 juin 2006

Familles étrangères menacées d’expulsion

Le combat d’un médecin

A Nantes, le Dr Jean-Luc Landas s’efforce, avec d’autres parents ou enseignants, de venir en aide à des familles étrangères. Malgré les « assouplissements » annoncés par Nicolas Sarkozy, la fin de l’année scolaire, le 4 juillet, devrait se traduire par l’expulsion de centaines de ces familles.

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Le Dr Landas ne défend "pas des dossiers, mais des personnes"(Photo O. Quarante)

DE NOTRE CORRESPONDANT

EN CES DERNIERS jours de juin, les nerfs de Jean-Luc Landas, médecin-anesthésiste au CHU de Nantes, sont mis à rude épreuve. Le 4 juillet, ce sera le début des vacances scolaires. Mais ce devrait être également le commencement d’une période d’expulsion de plusieurs centaines*, voire plusieurs milliers, de familles étrangères sans papiers dont les enfants sont scolarisés en France. Cette date marque en effet la fin du sursis accordé en octobre dernier par le ministre de l’Intérieur aux familles pour permettre aux enfants de terminer l’année scolaire.

Plus que jamais, Jean-Luc Landas, 57 ans, se démène avec les autres membres du collectif local Enfants étrangers citoyens solidaires, tous parents d’élèves ou enseignants, pour soutenir les enfants scolarisés et leurs parents menacés d’expulsion. Il faut trouver dans l’urgence des hébergements aux familles priées de quitter leur logement (foyer ou appartement), première étape avant une reconduite à la frontière. Il faut réactiver les réseaux pour les héberger quelques nuits. Il faut aussi organiser les parrainages qui se dérouleront le 1er juillet partout en France, comme autant d’actes de «désobéissance civile» à travers lesquels on s’engage à protéger les élèves et leur famille susceptibles d’être expulsés.

A Nantes, c’est le Dr Landas qui coordonne les parrainages. Peut-être sera-t-il lui-même parrain, lui qui dit «ne pas défendre des dossiers, mais des personnes». Ce ne serait alors, pour ce praticien hospitalier, que le prolongement d’une aventure qui a commencé il y a plus de deux ans quand, avec trois autres parents d’élèves, il crée un collectif pour venir en aide à deux familles expulsables dont les enfants sont scolarisés dans la même école que les siens.

Un an après, nouvelle école, nouvelle confrontation avec une réalité qui s’impose à lui. «En septembre 2005, nous avons appris que deux enfants dormaient dans les parcs de la ville avec leurs parents, explique le médecin. Arrivée en 2001, cette famille angolaise avait dû quitter le douzième hôtel qu’elle habitait car elle venait d’être déboutée de sa demande de droit d’asile. Avec un autre parent, nous avons profité d’une réunion de l’association des parents d’élèves pour lancer la mobilisation. Une collecte a été organisée et nous avons pu payer une chambre d’hôtel. Comment pouvions-nous ne rien faire? Le plus jeune des enfants, Jordan, qui avait alors 2ans, était devenu très agressif. Il avait d’ailleurs été hospitalisé durant l’été pendant une semaine pour des problèmes de respiration.»

La grande générosité qui s’exprime autour de la famille de Jacques, le père, militant du parti d’opposition angolais, permet de tenir près de cinq mois. «La situation devenait très difficile, reconnaît Jean-Luc Landas. On ne pouvait pas indéfiniment continuer ainsi. La régularisation de la famille ne venait toujours pas, malgré une promesse d’embauche comme plâtrier et les efforts pour s’intégrer. L’hôtel nous relançait au téléphone pour payer nuit après nuit! Et puis, à force d’insistance, un logement a pu leur être proposé.»

Les deux enfants, Vera et Jordan, étant nés en France, la famille Ngoma devrait bénéficier du réexamen de sa situation prévue par une circulaire toute récente de Nicolas Sarkozy, et d’une régularisation. Pour Jean-Luc Landas, si la mesure venait à être concrétisée, «ce serait une victoire qui est bonne à prendre pour les familles concernées. Ce serait la preuve que notre lutte est efficace. Mais, cette décision laisse de côté la grande majorité des sans papiers».

> OLIVIER QUARANTE

* Au début de juin, le ministère de l’Intérieur chiffrait à 750 le nombre de familles sous le coup d’un arrêté de reconduite à la frontière. A ces familles, il faut ajouter celles qui n’ont reçu qu’une invitation à quitter le territoire, celles pour lesquelles la procédure de régularisation est en cours et les jeunes majeurs concernés.

Un médiateur, une manif

Nicolas Sarkozy a nommé un médiateur pour «harmoniser la politique dans l’ensemble des départements», mais il insiste sur le fait que la situation des parents sans papiers d’enfants scolarisés doit être étudiée au cas par cas, ce que prévoit la circulaire adressée aux préfets le 14 juin. «Si, en plus de l’inscription dans les écoles, qui est un droit, vous donnez le droit à la régularisation, vous créez alors une nouvelle filière d’immigration légale que plus personne ne pourra maîtriser. A l’arrivée, vous aurez l’augmentation du racisme et de la xénophobie», a plaidé le ministre de l’Intérieur.

A l’approche de la fin des classes, en tout cas, la mobilisation en faveur des élèves sans papiers et des familles et contre le projet de loi sur l’immigration s’accentue. Les parrainages se multiplient, une pétition a été lancée et une grande manifestation est prévue à Paris, samedi, au départ de la Bastille, à l’appel du Réseau éducation sans frontières* et du collectif Uni(e)s contre une immigration jetable (qui réunit de très nombreuses organisations et associations, parmi lesquelles Médecins du monde, le Syndicat de la médecine générale, le Syndicat des médecins inspecteurs de santé publique et l’association Primo Levi).

* www.educationsansfrontieres.org.

Une structure pour l’accès aux soins

Le petit Jordan est né en France. Mais, comme il a des parents étrangers, son séjour d’une semaine à l’hôpital de Nantes, l’été dernier, n’a pas été suivi d’une prise en charge sociale et médicale. Il a été laissé dans la nature, malgré ses traumatismes physiques et psychologiques. Pourtant, une structure existe : la permanence d’accès aux soins de santé (Pass). Mission : repérer et lever les difficultés d’accès aux soins. Elle dépend du CHU et compte, en plus de la douzaine de généralistes libéraux qui y assurent des vacations, deux infirmières et deux assistantes sociales. La Pass a été créée à Nantes en 1999, conformément à une loi de 1998. Les étrangers représentent 80 % des 5 000 à 6 000 passages enregistrés chaque année. «Deux tiers d’entre eux ont une situation de logement instable, souligne le Dr Christian Agard, son responsable. Nous avons mené une petite étude sur les enfants. Une moitié concernait des Roms. Une sous-évaluation de la souffrance psychique était évidente, comme une dénutrition chronique et une insuffisance de la couverture vaccinale.»

«Ce que l’on craint le plus, ajoute le médecin, c’est le renoncement aux soins.Et ça, tout le monde le paie plus tard. C’est la réalité du terrain. C’est pourquoi nous sommes préoccupés par le durcissement des conditions d’octroi de l’aide médicale d’Etat.»

Le Quotidien du Médecin du : 30/06/2006

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