Bretagne
Paru dans l'édition du jeudi 22 mars 2007Interpellations musclées dans le bâtiment
Les gendarmes sont intervenus, hier matin, sur divers chantiers, partout en France. À Taden (Côtes-d'Armor), ils ont contrôlé une vingtaine de personnes et interpellé quatre étrangers dont ils souhaitent contrôler la situation administrative. Ouest-France
Les gendarmes ont arrêté une trentaine de personnes soupçonnées de travail clandestin, notamment à Taden et Gaël. Une vaste opération menée dans toute la France.
9 h, mercredi. Des dizaines de gendarmes mobiles, casqués, armés et équipés de béliers investissent le lotissement en construction du Val Doré, dans la zone des Alleux, à Taden (Côtes-d'Armor). Les gendarmes cassent toutes les portes des maisons en construction en hurlant « Gendarmerie, ouvrez! ». Les ouvriers, hagards, sortent un par un. Certains sont menottés. Pas au hasard. « C'était comme à la télé. Quand les gendarmes sont arrivés, ils avaient les photos des gars à arrêter et même les plaques d'immatriculation des bagnoles. Ils ont visé juste. Mais qui va rembourser les portes et assurer la sécurité des chantiers maintenant ? », explique un électricien dinannais interpellé quelques minutes, puis relâché.
Trafic de grande ampleur
Quatre ouvriers, soupçonnés de travail illégal - c'est-à-dire au noir - sont interpellés à Taden : deux Turcs, un Égyptien et un Hongrois. Même scénario à Gaël, en Ille-et-Vilaine. Une vingtaine de personnes sont contrôlées et sept étrangers, notamment des Égyptiens, interpellés.
Au total, 360 gendarmes, policiers, agents de la Police aux frontières, de l'Urssaf ou des Services fiscaux, ainsi que du Groupe d'intervention régional (Gir) de Bretagne sont intervenus, hier matin, dans les quatre départements bretons, en Sarthe, Loire-Atlantique, Corrèze, Indre-et-Loire, Loir-et-Cher et en région parisienne. Une trentaine de personnes du BTP ont été interpellées, dont une quinzaine en Bretagne. L'opération avait été soigneusement préparée depuis plusieurs mois par les gendarmes d'Ille-et-Vilaine.
Tout part d'un contrôle de l'Urssaf, en octobre, sur un chantier près de Rennes. Quatre travailleurs clandestins sont arrêtés. Les gendarmes soupçonnent rapidement un trafic de main-d'oeuvre étrangère de grande ampleur. En décembre, le parquet de Rennes demande l'ouverture d'une information judiciaire pour travail dissimulé et aide à l'entrée et au séjour irréguliers en France. Les enquêteurs pensent que des travailleurs clandestins sont recrutés, essentiellement au Moyen-Orient et en Europe de l'Est, et pris en charge étroitement à leur arrivée en France. Avant d'être dispatchés par petites équipes, très mobiles, sur différents chantiers du BTP, principalement situés dans l'Ouest.
Hébergement insalubre
« L'opération [d'hier] vise à vérifier l'organisation du réseau et l'ampleur du trafic », souligne une source proche de l'enquête. Les gendarmes veulent surtout mettre la main sur les donneurs d'ordre. Certains sièges sociaux d'entreprises ont également été perquisitionnés hier. « Nous sommes face à une organisation par strates avec des gens qui utilisent une main-d'oeuvre irrégulière », précise une source judiciaire. On parle aussi d'un trafic d'êtres humains. Les commanditaires présumés auraient exploité la faiblesse d'ouvriers sans papiers en les faisant travailler sans respecter le temps légal de travail. À Gaël, notamment, les perquisitions ont révélé des conditions d'hébergement insalubres. Les travailleurs s'entassaient à plusieurs dans des chambres sales et exiguës. Leur liberté de circulation était, semble-t-il, plus que contrainte.
Le nombre d'interpellations peut paraître maigre, au vu de l'importance des moyens engagés. À quelques semaines d'une échéance électorale majeure, la démonstration de force laisse certains songeurs. Et des questions subsistent. Les responsables des chantiers seront-ils inquiétés ? Avaient-ils connaissance de la situation administrative des travailleurs ? Quelles suites judiciaires seront données ? L'article L 362-3 du Code du travail punit de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende tout travail illégal ou recours à un travailleur non déclaré.
Vincent JARNIGON
et Aurélie LEMAÎTRE.
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