Libération consacre une double page aux actions menées partout en France comme à Nantes dans le sillage du Réseau Education Sans Frontières. A celles et ceux qui douteraient encore de l'ampleur du mouvement de résistance qui s'annonce autour des écoles, des collèges et des lycées je conseille la lecture de cet article.
En outre, on y trouvera l'interview d'une maman nantaise dont la petite fille est scolariés à l'école Molière, bien connue du Collectif Enfants Etrangers Citoyens Solidaires.
Et n'oubliez pas de signer les pétitions si ce n'est déjà fait. A ce jour, celle du Réseau Education Sans Frontières totalise pas moins de 24000 signatures ... et en attend 100 000. A vec toutes les signatures papiers que Charles doit envoyer, on se rapprochera du compte !!!
Immigration
Expulsions : la resistance fait école
De plus en plus d'élus, de parents d'élèves, se disent prêts à
cacher les enfants étrangers menacés d'expulsion le 30 juin.
Par Olivier BERTRAND et Catherine COROLLER et Gilbert LAVAL
vendredi 19 mai 2006
Mariam Sylla devrait bientôt revenir en France. La préfecture du Loiret a annoncé mercredi que cette Malienne sans papiers, expulsée vers son pays d'origine avec ses deux enfants, allait bénéficier d'une autorisation provisoire de séjour. Pour la famille Sylla, la mobilisation des associations de défense des
droits de l'homme et des enseignants de l'école où étaient scolarisés ses enfants a payé. Elle a contraint Nicolas Sarkozy à reculer. Mais pour une Mariam Sylla, combien de départs sans retour ? En octobre, le ministre de l'Intérieur a publié une circulaire accordant un sursis à expulsion jusqu'au 30 juin 2006 aux parents en situation irrégulière dont les enfants sont scolarisés, ainsi qu'aux jeunes majeurs en cours d'études. La fin du délai de grâce approche. Des milliers de familles sont donc à brève échéance menacées de reconduite à la frontière, même si les enfants sont nés en France. D'où la vigilance accrue du Réseau éducation sans frontières (RESF) et des associations de défense des sans-papiers.
Le 11 mai, RESF a appelé les citoyens à «parrainer, protéger et même héberger» les jeunes et leurs familles, quitte à enfreindre la loi. La pétition «Nous les prenons sous notre protection» a recueilli 24 000 signatures. Partout, comme à Toulouse et Lyon, la mobilisation s'organise.
Toulouse parraine
«Nous ne laisserons pas commettre ces infamies en notre nom.» Hélène Dugros partage ce mot d'ordre parce que 7 élèves sur 15 de sa classe d'accueil d'enfants étrangers à Blagnac (Haute-Garonne) sont menacés d'expulsion. Barbara Jeanneau, parente d'élève FCPE du collège des Chalets à Toulouse, est aussi d'accord. Bernard Dedeban, enseignant de la FSU, aussi.
Des universitaires, le chanteur Magyd Cherfi et la romancière Marie Didier, itou. Les élus PS, Verts, PCF, Lutte ouvrière et Motivé-es de même. Ils sont les premiers d'une centaine de personnes à s'engager à être parrains. «Les grandes et belles déclarations ne me suffisent plus, assure l'élu Vert Pierre Labeyrie. Je prends le risque de contrevenir à la loi.» L'engagement est effectivement sans ambiguïté : «Nous apporterons (à ces enfants et leurs parents) notre soutien, notre protection. S'ils nous demandent asile, nous ne leur fermerons pas notre porte, nous les hébergerons et les nourrirons; nous ne les dénoncerons pas à la police.» Cette entrée assumée dans l'illégalité peut se définir comme un acte de désobéissance civile. Un des parrains, l'élu Alternatif François Simon, fait d'ailleurs partie des faucheurs d'OGM, condamné avec l'altermondialiste José Bové et le Vert Noël Mamère. «Il est temps d'entrer dans l'action concrète, affirme le communiste Bernard Marquié.
«Le danger est l'anonymat, explique Jean-François Mignard, responsable la Ligue des droits de l'homme et animateur du RESF. L'existence de parrains peut assurer une certaine couverture.» Une cinquantaine de familles sans papiers sont d'ores et déjà recensées par la déléguée régionale de la Cimade, Yamina Vierge. Le parrainage devrait du coup prendre des allures de cérémonie orchestrée par des maires en écharpe tricolore, le 1er juillet, lendemain de la fin de l'année scolaire. Car la crainte est forte à Toulouse de voir «la chasse aux sans-papiers et leurs enfants reprendre» à cette date, d'autant qu'un nouveau centre de rétention devrait justement être ouvert.
Lyon cache
Depuis bientôt un mois, des parents d'élèves se relaient sur les pentes de la Croix-Rousse pour cacher une jeune femme et héberger ses enfants, expulsables car récemment arrivés en France. La police est venue un matin d'avril dans le petit hôtel où Samira, Azérie d'origine arménienne (lire ci-dessus), logeait avec Alex (10 ans) et David (7 ans). L'aîné a eu le réflexe de se cacher sous un lit. Les policiers sont repartis, car la France ne peut expulser la mère seule. RESF s'est mobilisé et des personnalités l'ont rejoint (Dan Frank, Jacques Tardy, Bertrand Tavernier, Philippe Meirieu, Mano Solo...).
Le 19 avril, lorsque la mère a reçu une convocation en vue de son expulsion, le collectif est passé à l'action. Un noyau d'une vingtaine de parents d'élèves s'est constitué. Samira est cachée quelque part dans Lyon avec David, que des parents viennent chercher le matin pour le conduire à l'école. Alex est abrité par une autre famille. «C'est très angoissant, confie une maman qui accueille Alex. On se demande souvent comment il faut réagir pour ne pas mettre les enfants en danger, si des policiers s'approchent.» Alex a appris par coeur un numéro de téléphone. Si des agents tentent de l'arrêter, il doit partir en courant, puis appeler ce numéro. Quelqu'un viendra le chercher. Le mouvement rallie une grande majorité de parents ni militants, ni spécialement sensibilisés au sort des sans-papiers. «Le fait que l'information arrive par nos propres enfants est essentiel», dit Christine, mère d'élève.
En juillet, pour les trois écoles des pentes de la Croix-Rousse, 27 familles risquent de se trouver dans la même situation. Avec 62 enfants qu'il faudra peut-être cacher.